Eco-En & Ecodev
Ecoen et Ecodev
Introduction générale
L'économie de
l'environnement tente de donner un éclairage aux questions environnementales en
s'intéressant à l'efficacité dans l'interaction entre l'homme et
l'environnement, ou encore au niveau d'interactions involontaires entre agents,
telles les pollutions. Le type d'efficacité recherchée est forcément
arbitraire, ici on recherche un état dans lequel on ne peut pas augmenter la
satisfaction d'un agent sans diminuer celle d'un autre agent. Pour mesurer la
satisfaction le bien-être des agents on prend en compte la consommation de
biens marchands, mais aussi celle des loisirs récréatifs, ou encore la valeur
affective attachée aux choses qui peut être détachée de toute valeur marchande
et même de toute valeur d'usage.
Certaines ressources
naturelles sont en quantité importante, au moins localement, ou bien se
renouvellent rapidement sans intervention humaine. Elles ne nécessitent pas une
gestion particulière, c'est le cas du dioxigène, de l'eau de mer, ou de la
lumière du soleil. D'autres ressources naturelles sont irréversiblement
extraites, telles le minerai, ou bien ont une vitesse de renouvellement très
lente, ce qui complique leur gestion. Lorsque cette gestion est en propriété
privée des inefficacités peuvent déjà apparaître et l'étude de ces questions
est l'objet du premier chapitre.
Lorsque des actions
involontaires d'un agent sur un autre sont possibles, c'est le cas par exemple
de pollutions localisées, des inefficacités supplémentaires sont possibles,
telles une production de pollution dommageable. Elles seront présentées dans le
deuxième chapitre. Lorsque de nombreux agents sont à la source des dommages
subis par les autres agents ou que de nombreux agents sont affectés la
situation peut être encore plus délicate. Or c'est souvent le cas dans les
questions d'environnement, de nombreux biens environnementaux sont globaux et
les pollutions affectent fréquemment des populations nombreuses. La dimension
de bien commun des questions environnementales sera l'objet du chapitre
suivant.
Pour corriger ces
situations la première difficulté consiste en l'évaluation de biens pour
lesquels il n'existe pas de marché et pour lesquels la révélation des
préférences des agents est difficile, cette évaluation ayant pour objectif la
fixation de niveaux de dépollution ou le montant de réparations. Les
difficultés d'évaluation et les techniques associées sont étudiées au chapitre
suivant.
Ensuite de nombreux
instruments sont disponibles pour améliorer la situation, telles des
négociations entre agents, des taxes sur les émissions de polluants, ou encore
la limitation des droits d'émission des polluants. Ces instruments seront
présentés au chapitre 5. Ils n'ont pas le même effet redistributif et leur
efficacité peut être plus ou moins grande lorsque l'on s'intéresse à leur
application en pratique et il est même possible de les utiliser pour favoriser
certains groupes.
Enfin nous
terminerons en insistant sur la question du long terme et des incertitudes en
particulier des incertitudes scientifiques qui compliquent encore la prise en
compte de certains problèmes environnementaux globaux.
Chapitre Premier
APERCU HISTORIQUE DE LIENS ENTREPRISE & ENVIRONNEMENT
1.1. Contexte 1.2. Au début étaient les hippies 1.3. Une nouvelle vision du monde 1.4. Puis ce fut la pollution 1.5. Du qui-vive à l’offensive 1.5.1. Les industriels 1.5.2. Les politiques 1.6. Nécessité d’un challenge 1.7. De la contrainte à l’initiative 1.8. Quand l’environnement se profile 1.9. Les nouveaux métiers de l’écologie 1.10. Se recycler dans le recyclage 1.11. Environnement et entreprise, un enjeu
stratégique 1.12. Vers une nouvelle éthique 1.13. Droit à l’environnement et droit de
l’environnement 1.14. De l’interaction à la synergie 1.15. Quelle vision du monde pour l’entreprise ? |
1.1. Contexte
Les tenants de ce courant de recherche, coordonnée
par François
de Teyssier, posent certains postulats avant de démontrer leur propos
en se basant sur des faits, des enquêtes, des projets, sur la réalité…Ils
partent tout d’abord du principe que ce sont les industriels, dans une économie
capitaliste, qui sont responsables de la mauvaise santé de l’environnement et
qu’ils se sont enrichis en abusant et en gaspillant ses richesses.
A
cela s’ajoute, dans un esprit "Etat providence", c’est-à-dire une
nécessaire implication de l’Etat au sein de ce sauvetage.
L’hypothèse de départ qui fonde cette recherche
est que l’environnement est en danger et qu’il faut se donner les moyens de le
sauver : pour cela certains acteurs doivent se mobiliser.
Les
auteurs ont utilisé une démarche empirique. En effet, ils se sont appuyés sur
des faits, des actions, des projets en cours, la législation, des enquêtes, des
expériences tentées et/ou parfois réussies… Ils sont partis de la réalité,
qu’ils ont essayé d’objectiver au maximum en se basant sur des faits pour
limiter la construction qu’ils pourraient en avoir par eux-mêmes.
Après la révolution industrielle du 18ème
siècle, les entreprises ont entrepris une nouvelle révolution, paradoxale. En
effet, après avoir abusé pendant de nombreuses années des richesses naturelles
de l’environnement, elles ont intégré des considérations de protection, de
sauvegarde de cet environnement dans leur stratégie et dans leur mode de
développement. Cependant, cette évolution s’est faite lentement et rencontre
encore certaines difficultés.
1.2. Au début étaient les hippies
Le
terme d’environnement est apparu assez tardivement et regroupe, en fait, la
nature, mais aussi l’homme dans ses rapports sociaux, c’est-à-dire, la qualité
de la vie. Jusque dans les années 60, les pollueurs ne représentaient pas un
réel danger public, les sanctions qui leur étaient appliquées restaient
minimes. Mais la multiplication du nombre de catastrophes écologiques liées au
développement industriel, et leur gravité croissante, ont conduit au
regroupement des protecteurs de la nature autour d’objectifs : c’est la
naissance de la contestation écologique qui va, peu à peu, gagner le terrain
politique du fait de l’impact national de certains.
Il
faut attendre 1971 pour que les ministères de l’environnement prolifèrent dans
le monde, mais avec des moyens très limités. Pour la première, on a vu en 1974
en France par exemple, la candidature d’un candidat écologiste aux élections
présidentielles. Du coup, la situation incite tous les partis à tenir compte de
l’environnement car la question écologique devenait une préoccupation majeure
de l’opinion publique aussi bien ici qu’ailleurs.
Dès
lors, la prise de conscience collective des dangers guettant l’environnement
correspond donc à l’évolution des mentalités dans les années 1960 et 1970, avec
un besoin de participation active à la vie sociale et un désir d’une meilleure
qualité de vie. On passe du quantitatif économique au qualitatif écologique.
L’accélération du changement s’est faite devant les nombreux évènements :
trou dans la couche d’ozone, destruction de la forêt amazonienne…
Alors
qu’on en attend encore dans les PED, dans les pays industrialisés, une forte
importance est donné à l’Etat : les communautés sont prêtes à se mobiliser
mais l’Etat doit intervenir. Or, même au Nord pendant longtemps, l’Etat ne
s’est pas intéressé à l’écologie, avec une opposition de force sur le
nucléaire.
Ainsi,
lors des élections de 1981 en France, les socialistes sous Mitterrand ont fait
beaucoup de promesses écologiques qui n’ont pas été tenues. Le Japon est resté
préoccupé sur la question et minimise l’impact environnemental dû à son
utilisation d’énergie essentiellement nucléaire. Bien que conscients du
phénomène, les USA sont restés intransigeants sur la question et les premiers
signes d’intérêt positif commencent à se manifester sous l’administration
Obama. Il fallait attendre une réponse de beaucoup de partis politiques du
monde sur l’environnement devant leur percée.
De
plus, les heurts rencontrés auprès du système économique se proviennent aussi
du système judiciaire : les demandes sont déboutées ou n’aboutissent
qu’après des années de procédure.
1.3. Une nouvelle vision du monde
La
pollution est multiforme et elle peut en cacher ou en entraîner une
autre : il faut donc s’attaquer aux causes et les répertorier pour mieux
les comprendre à différents niveaux :
· L’eau
est une ressource renouvelable, d’usage fréquent qui peut conduire à des
perturbations du milieu par diverses formes de pollution multicausales.
· L’air
est une ressource gratuite, dite inépuisable ou renouvelable, mais le manque de
précautions pour les rejets gazeux peut avoir de graves conséquences comme le
RC, le trou dans la couche d’ozone…
· Les
golfes sont, quant à eux, des réservoirs de vie mais aussi de véritables
dépotoirs : le pouvoir épurateur de la mer a ses limites et ramènent
toujours les déchets vers les côtes. De même, la production de poisson est en
constante augmentation mais les signes d’épuisement sont déjà visibles :
le milieu marin est en cours de destruction du fait de la pêche outrancière, de
la chasse sous-marine, du chalutage… De plus, la mer est malade du "mur de
béton" avec près de 80% des linéaires côtiers artificialisés dans les
Alpes Maritimes. Et ce phénomène se poursuit. A cela, s’ajoute les effets négatifs
de l’augmentation de la population sur le littoral l’été.
Le
principal problème concerne donc l’occupation de l’espace et la pollution des
eaux littorales et riveraines. La seule solution réside en la construction de
stations d’épuration, or peu d’équipements sont en place du fait de
l’importance de l’investissement. Ainsi, nourricière mais malmenée, la mer et
les rivières sont en danger.
L’altération
de l’environnement est également liée à la mauvaise élimination des
déchets : incinération et élimination restent marginaux, les prescriptions
ne sont pas toujours respectées, les règles varient d’un endroit à un autre… Il
reste donc beaucoup de choses à faire pour le recyclage, même certains
résultats ont été obtenus : la loi existe, certes, mais elle est insuffisante
et inefficace, du fait d’un certain laxisme des pouvoirs publics.
La
pollution passe aussi par la rupture de l’équilibre silence-beauté-espace du
fait de l’urbanisation qui a de nombreuses conséquences sur la santé et qui
concerne les trois quarts de français. Ainsi, le bruit constitue la première
nuisance pour la majorité des français et il devrait s’aggraver.
1.4. Puis ce fut la pollution
La
pollution est liée à la course à l’industrialisation avec les énergies
nouvelles : pétrole, électricité et nucléaire. En effet, au XVIIIème siècle,
l’avènement de la machine à vapeur a conduit à remplacer le bois par le
charbon. Cela a permis l’augmentation des forces productives et la création de
nouveaux besoins, sans se préoccuper de l’environnement, conduisant à du
gaspillage.
C’est
ensuite l’internationalisation des échanges et l’intensité de la concurrence
qui ont conduit à utiliser les nouvelles énergies. Cependant, Les ressources
n’étant pas renouvelables, il faut en trouver d’autres. Mais, la dimension
écologique va dorénavant intervenir au coté des dimensions pratique, économique
et géopolitique dans le choix de ces nouvelles énergies.
Les
perturbations de l’environnement interviennent au terme de processus longs et
complexes : ce sont les effets néfastes de l’industrialisation. Cette
pollution met en danger la santé de l’homme mais aussi celle des plantes, des
arbres…
Aujourd’hui,
les écologistes, soutenus par les autres scientifiques sur les excès du système
de production, ont établi une doctrine sociale et économique, comme alternative
à l’économie capitaliste : la croissance arriverait à saturation du fait
de l’épuisement des ressources naturelles, des traitements non maîtrisés des
ordures ménagères, émissions de gaz… La protection de l’environnement devient
alors pour les industriels, un facteur de croissance et de compétitivité.
Les
changements d’échelle des problèmes vont développer la solidarité planétaire du
fait de la nécessité de réponses concertées. Ainsi, même, au niveau européen,
la volonté de construire l’Europe ne doit pas se faire au détriment de
l’environnement. De même, pour les industriels, il est préférable d’anticiper,
d’innover pour devancer les aspirations du public et les mutations en cours.
1.5. Du qui-vive à l’offensive
1.5.1.
Les
industriels
Dans
les années 1970, le regard des industriels s’est modifié sur l’écologie du fait
de l’augmentation des dommages, des politiques volontaristes nationales et
européennes et de la sensibilisation de l’opinion. De la défense face aux
accusations, les industriels sont passés à l’offensive en intégrant les
problèmes d’environnement à leur stratégie et dans leur communication.
En
effet, les consommateurs français sont devenus très sensibles à l’écologie, ce
qui s’est répercuté sur leur comportement d’achat. D’où la nécessité pour les
industriels et les pouvoirs publics de réagir.
Elle
est devenue un axe majeur de communication et une composante essentielle de la
politique d’investissement.
La
sensibilité à l’écologie a conduit à réfléchir sur l’élimination des emballages,
à l’amélioration de leur biodégradabilité et à leur récupération pour
recyclage. Il faut donc développer la prévention sur tout le cycle de vie du
produit. Néanmoins, les difficultés sont nombreuses.
Il
ne s’agit donc pas d’une mode mais d’un investissement durable :
l’écologie permet de mieux vendre (intérêt commercial et image). Ce marché est
très porteur, d’autant qu’il s’agit d’un critère de plus en plus déterminant de
compétition. Son anticipation devient nécessaire à la pérennité de l’entreprise.
1.5.2.
Les
politiques
Les
politiques sur l’environnement se sont développées tardivement, dans les années
1970, avec notamment la création des ministères, le passage à l’intérêt public
et général en 1976, l’intégration à la politique de décentralisation. Cependant,
les gouvernements ont tendance à privilégier le court terme au long terme.
De
plus, la politique des Etats sur l’environnement est restée de conception
restreinte pendant longtemps, malgré l’existence, ci et là, des cellules
internationales au sein des ministères. Cela a ainsi conduit à penser qu’à son
temps, le nuage nucléaire de Tchernobyl s’était arrêté aux frontières de qui
pouvaient se défendre et à limiter les moyens d’action.
On
peut aussi noter le rapport Armand de 1970 qui va permettre de déboucher sur
100 mesures prises en consultation et association avec les collectivités
locales, les associations et les administrations en Europe. Ces partenaires ont
d’ailleurs permis de construire un véritable réseau d’information, et les
actions conjointes permettent, malgré les dissensions, de développer de
nombreux projets utiles.
En
1991 est adopté des plans nationaux pour l’environnement (PNE) sont élaborés
pour permettre aux pays concernés de rattraper leur retard en matière
d’écologie et qui prévoient des réformes en profondeur et l’application des
résolutions.
1.6. Nécessité d’un challenge
Pendant
longtemps, le public et les industriels sont restés sceptiques quant à la
protection de l’environnement. Si pour certains, ces problèmes sont restés
secondaires, ils sont devenus, pour d’autres, stimulateurs pour l’activité
industrielle et l’exportation.
· mettre
les avancées technologiques au service de l’environnement. Cela se traduit par
une amélioration continue des qualités écologiques des produits et procédés de
production.
· intégrer
la qualité de la vie en milieu professionnel: l’entreprise doit participer de
façon tangible à la mobilisation de la société en faveur de l’environnement.
· changer
l’organisation et le comportement pour mieux utiliser les nouvelles
techniques : implication du personnel dans un projet transversal.
Question
de la corrélation entre respect de l’environnement et performances ? On
s’aperçoit que ce sont les entreprises les plus polluantes qui ont fait le plus
de progrès, peut-être avaient-elles aussi le plus de moyens. Pour diminuer les
coûts, il semble préférable d’inclure ces considérations écologiques dès la
conception d’un projet.
L’écologie
est devenue un marché très rentable : les entreprises en ont conscience.
C’est un facteur de compétitivité clé face au durcissement attendu de la
réglementation, même s’il se révèle parfois délicat d’aborder des marchés non
encore structurés sur l’environnement.
Les
politiques d’environnement volontaires sont minimes dans les entreprises qui
n’hésitent pas à utiliser la menace du licenciement pour tenter de contourner
leurs obligations écologiques. Elles essayent aussi de jouer sur l’utilisation
des substituts qui n’est pas toujours satisfaisante… Néanmoins, le libéralisme
économique ne peut plus ignorer la loi de la nature.
1.7. De la contrainte à l’initiative
Il
convient de taxer les entreprises qui polluent. Or les marges de manœuvre sont
parfois très étroites, notamment pour les petites entreprises qui doivent
réagir face aux directives.
En
1991, lors de la conférence mondiale de l’industrie sur la gestion de
l’environnement, plus de 150 firmes ont signé la charte des entreprises pour un
développement durable. Il semblerait que l’autorégulation par le marché soit
plus efficace que les réglementations. Cela montre néanmoins que la coopération
reste nécessaire.
En avril 1992, une enquête
révèle, pour la première fois, que pour 92 % des industriels, les questions
d’environnement sont cruciales ou importantes.
Plus
personne ne se pose en adversaire de l’écologie. L’éco-industrie est devenue un
atout majeur, c’est un secteur positif pour l’activité économique générale car
il entraîne l’évolution d’autres marchés et en plus, il dégage des marges
supérieures à la moyenne.
La
mission des éco-industries consiste à prévenir, évaluer et réparer les
nuisances liées à la pollution. Elles recoupent des entreprises très
différentes et connaissent un dynamisme de plus en plus important. Elles
nécessitent par ailleurs un investissement très important pour réparer les dégâts
passés et éviter les pollutions futures.
1.8. Quand l’environnement se profile
Le couple produit-marché fonctionne également pour l’environnement.
Les
industriels exploitent la médiatisation de la nature, la défense et la
protection de l’environnement pour augmenter leurs ventes et attirer les
consommateurs "verts". Né entre 1945 et 1970, ce consommateur
écologique appartient à toutes les couches de la population, mais surtout les
cadres et professions intellectuelles supérieures. On peut distinguer le vert
actif, le vert passif et le consommateur blanc qu’il faudra sensibiliser à long
terme.
Les pollueurs ne sont donc pas
les seuls à utiliser l’environnement dans leur communication.
Si
les produits restent rares, leurs dénominations sont nombreuses mais c’est le
terme d’écoproduit qui semble préféré par les scientifiques. La liste des
produits ne cesse de s’allonger depuis 1989. Légalement, la notion d’écoproduit
induit un label sur le produit concernant la protection de l’environnement, et
allant de l’extraction des matières premières à l’élimination après usage par
le consommateur. Les contraintes écologiques deviennent donc un facteur de
réussite.
1.9. Les nouveaux métiers de l’écologie
L’écobusiness a permis de développer de
nouvelles activités et certains métiers :l’audit écologique pour mesurer
de façon précise les conséquences des décisions d’une entreprise sur
l’environnement, les assurances, l’informatique qui permet de traiter de
multiples critères à la fois, la communication… Ce secteur offre donc de nombreuses
perspectives. Tous ces métiers sont nécessaires pour bien intégrer la notion de
l’environnement.
Néanmoins,
du fait d’un manque de coordination et d’encadrement à un niveau global et
représentatif, certaines de ces activités rencontrent un certain scepticisme
auprès des principaux acteurs concernés.
1.10. Se recycler dans le recyclage
On
peut d’ailleurs noter l’opportunité liée au recyclage du fait des quantités
énormes à traiter : 580 millions de tonnes de déchets à traiter tous les
ans en France ! Cette opportunité semble d’ailleurs être saisie très
souvent, les entreprises en étant parfaitement conscientes. Cela a entraîné la
structuration et l’organisation du traitement et de l’élimination des déchets
pour éviter les pollutions, mais aussi le développement de certains systèmes
pour minimiser les risques et les effets néfastes. Cela est renforcé, par
ailleurs, par la conception de produits plus faciles à éliminer.
L’industrie
du recyclage connaît donc un essor important lié aux préoccupations de sauvegarde
de l’environnement et aux motivations économiques.
1.11. Environnement et entreprise, un enjeu stratégique
La
préoccupation de l’environnement doit être au cœur de l’entreprise, au sein
même de ses enjeux stratégiques.
Ainsi, les entreprises ont investi de fortes sommes dans la protection de
l’environnement, environ 2,4% de l’investissement productif. Certaines ont
décidé d’anticiper tandis que les autres réagissent simplement aux contraintes.
L’anticipation implique, certes, un surinvestissement mais ce surcoût est vite
rentabilisé du fait de la sensibilité croissante des consommateurs sur les
questions écologiques et le développement du cadre juridique sur la protection
de l’environnement.
Certains
profitent d’ailleurs de cet engouement des consommateurs pour intégrer de façon
opportune, voire opportuniste, ces notions dans leur stratégie et leur
politique de communication.
Cette
évolution a également conduit au développement de l’écolo-marketing pour faire
ressortir la dimension verte de l’entreprise, les efforts entrepris et les
résultats obtenus, et auquel on peut associer les trois "P" :
production, produit et poubelle, qui doivent être associés en permanence à la
protection de l’environnement. L’argument écologique permet donc d’augmenter
les ventes et constitue une tendance lourde du marché.
1.12. Vers une nouvelle éthique
L’environnement
est aussi un instrument de vente, cela implique, en conséquent, une stratégie
de positionnement de marque et une mobilisation en interne.
Les
entreprises polluantes ont souvent été les premières à réagir, créant la
surprise, néanmoins, leur réussite est due à la mobilisation et la
communication en interne. Elles ont ensuite communiqué sur cette réussite en
externe, touchant une cible large et variée, tous les consommateurs étant
concernant. De plus, cela permet de donner une bonne image de
responsabilisation pour l’entreprise et le produit.
La
communication joue donc un rôle croissant dans cette prise de conscience.
Certains ont également mis en place l’écobilan qui est un véritable outil de
gestion de l’environnement. De plus, devant la difficulté d’installer une
industrie propre, chacun doit se mobiliser, c’est l’ère des bio-managers.
Certaines entreprises vont même mettre en place une fonction entièrement dédiée
à l’environnement qui doit être une sorte de médiateur entre toues les
fonctions de l’entreprise pour en assurer la cohérence.
L’écologie
va donc rejoindre l’économie : la défense de l’environnement donne de
l’entreprise une image de responsabilisation à la vie économique et sociale, en
tenant compte des besoins de la population. C’est l’éthique sociale.
1.13. Droit à l’environnement et droit
de l’environnement
La
prise de conscience des limites des ressources naturelles de l’environnement et
des effets nocifs de certaines activités dans les années 1960, ont conduit à
une réaction politique dans les années 1970 avec la volonté de mettre en place
de règles de droit pour encadrer et organiser ce sauvetage.
Tout
d’abord, un grand principe a été érigé : ce sont les pollueurs qui doivent
payer. Un système de taxation a donc été mis en place pour intégrer la
protection de l’environnement aux processus de décision, pour éduquer et
informer. Un système de reversement permet d’aider et d’encourager les bonnes
initiatives.
Au
niveau européen, l’écotaxe touche les énergies polluantes depuis 1991.
Malgré
toutes ces mesures, un système de labellisation semble indispensable mais
engendre de nombreuses discussions quant aux modalités. En effet, chaque pays
met en place son propre label et souhaiterait que tous ces labels nationaux
soient reconnus et équivalents les uns avec les autres. De plus, un aspect
bureaucratique persistant pourrait avoir des conséquences négatives sur son
image et sa signification. A cela, s’ajoute une incertitude quant au potentiel
de ventes supplémentaires liés à une quelconque labellisation, certaines
entreprises allant même jusqu’à la rejeter en bloc. Mais si le marché demande
ce label, elles ne pourront plus reculer.
1.14. De l’interaction à la synergie
La
législation française dépend du cadre européen : l’interaction entre les
deux est donc une nécessité et une obligation. Au départ, ce sont les
initiatives nationales qui ont influencé les directives européennes, notamment,
celles d’Angleterre et d’Allemagne, mais, aujourd’hui, c’est l’inverse qui se
produit : c’est l’union européenne qui devance les pays en érigeant des
directives que les Etats membres sont en obligation d’appliquer et de mettre en
place.
La
politique environnementale étant absente du traité de Rome, il a fallu attendre
1972 pour présenter un programme d’action qui a ensuite été reconduit d’année
en année, tout en insistant sur les aspects plus préventifs avec la mise en
place d’une stratégie globale au fur et à mesure.
Les
premiers objectifs concernaient la diminution de la pollution de l’eau, par le
biais dd niveau de qualité selon l’usage. Ensuite, c’est le problème de la
pollution atmosphérique qui a été privilégié… Tout cela repose sur quatre
principes de base : normes, stabilité des normes, unité du marché européen
et adaptation des normes à la dimension des véhicules.
De
nombreuses directives ont ainsi été érigées, notamment pour le transport des
déchets domestiques ou industriels.
Cependant,
deux défis, au niveau européen, doivent encore être relevés :la mise en
œuvre réelle de la législation et l’intégration de l’environnement aux autres
politiques. Ainsi, la transposition des directives relève plus de l’exception
que de la règle.
Malgré
ses imperfections, la politique communautaire sur l’environnement reste
indispensable et permet de relever les diligences des pays qui ne se sentent
pas concernés. Par ailleurs, cela permet une meilleure coordination pour
l’action qui est menée de façon internationale : même s’il n’existe pas de
droit international de l’environnement, beaucoup d’accords et procédures sont
mis en place, de nombreux organismes internationaux interviennent (OCDE, OTAN,
ONG…). On peut aussi noter la signature de la charte mondiale sur
l’environnement en 1991 et qui concerne les entreprises.
On assiste donc à l’explosion des institutions et du droit pour l’environnement
mais beaucoup de choses restent inappliquées.
Ainsi,
pour intégrer la notion d’écologie dans les économies nationales, de nouvelles
mesures doivent être prises comme de nouvelles taxes ou redevances. On pourrait
également revoir le système de calcul de richesses des nations en intégrant
cette notion dans le PIB….
1.15. Quelle vision du monde pour
l’entreprise ?
Devant
le caractère mondial de certaines catastrophes écologiques et leur nombre
croissant, les actions isolées deviennent insuffisantes. Les directives
européennes, les conférences mondiales (Stockholm en 1972, Montréal en 1987,
Rio en 1992)… permettent ces actions conjointes et la prise de conscience,
mettent en évidence le caractère interdépendant de l’ensemble de ces phénomènes
et plaident pour un développement durable. Ainsi, par exemple, devant la
pollution liée à l’industrialisation massive et non maîtrisée des pays de
l’est, il est préconisé une aide massive pour éviter les incidents.
Néanmoins,
une politique mondiale de l’environnement semble encore très imprécise,
d’autant plus qu’il semble difficile d’imposer des mesures coûteuses aux pays
pauvres. Certains profitent d’ailleurs de cet argument pour tenter de limiter
leur développement.
Les
rapports entre sciences, politiques et industries semblent encore trop
ambigus : quelles sera leur attitude dans l’avenir ? Vers quelle
évolution ?
Chapitre Deuxième
Gestion des ressources naturelles en
propriété privée
2.1. La
surexploitation des ressources
2.1.1.
Introduction
De nombreuses
ressources naturelles sont exploitées de façon privative. C'est le cas général
des ressources minérales, des forêts privées, des sols utilisés pour
l'agriculture, de nombreuses sources d'eau, des réserves ou territoires de
chasse privés. Ces ressources peuvent ne pas être à une seule personne mais à
une communauté réduite qui la gère collectivement.
La caractéristique
principale de ces ressources c'est l'impossibilité de les régénérer
artificiellement. Elles peuvent être strictement non renouvelables, c'est le
cas du minerais ou de caractéristiques de certains sols, ou se renouveler
lentement sans qu'il soit possible d'accélérer leur renouvellement (c'est le
cas des stocks halieutiques, des forêts ou d'autres types de sols).
2.1.2.
Une extraction trop intensive
Un producteur
disposant de ces ressources devrait être capable de les gérer de façon
convenable en prenant en compte leur épuisabilité. Dans la pratique ce n'est
pas forcément le cas, en particulier dans les cas suivants :
- Les agents peuvent valoriser le présent de
façon excessive et utiliser leur ressource trop intensivement. En économie
on parle de préférence pour le présent. Si elle est très élevée, l'agent
va vouloir du revenu immédiatement. La préférence pour le présent, peut
être artificiellement importante si l'agent dispose de revenus si faibles
qu'utiliser sa ressource est une question de survie. Et également si
l'agent n'a pas accès au marché du crédit à des taux raisonnables. Ces
types de dysfonctionnements se retrouvent surtout dans les pays en
développement.
- L'information sur l'irréversibilité des actions
ou la vitesse de renouvellement des ressources peut ne pas être
disponible. C'est en particulier le cas pour les sols ou pour les énergies
fossiles pour lesquelles les gisements sont connus par exploration.
- L'État peut intervenir en subventionnant certaines
activités qui requièrent des ressources naturelles. Par exemple il est
fréquent que l'État subventionne l'agriculture, favorise la surproduction
ce qui a pour conséquence un usage trop intensif des sols. C'était le cas
avec la politique agricole commune fondée sur des prix garantis élevés
servant à soutenir le revenu des agriculteurs.
2.1.3.
Inefficacité dans la consommation
Au niveau de la
demande il est également possible qu'il y ait des inefficacités du même type
que celles que l'on vient de décrire au niveau de l'offre, et qui conduisent à
une surconsommation des biens produits à partir de ressources non
renouvelables. Par exemple le solaire thermique devrait être beaucoup plus
utilisé, une diminution de la vitesse des voitures permettrait une baisse conséquente
de la consommation de carburant, pour peu que les conducteurs sachent ce que
cela leur rapporte.
Les différences
d'efficacité d'utilisation de l'énergie peuvent être importantes, à niveau de
richesse égal. Par exemple les habitants des États-Unis utilisent beaucoup plus
d'énergie que les européens pour des usages identiques en raison d'une
inefficacité importante (de l'isolation des maisons, des engins à moteurs).
En France, dans les
années 70 et
2.2. Le rôle des prix
Le prix joue un rôle
de régulateur, en montant lorsque les ressources sont rares, ce qui a pour
effet de stimuler la recherche de nouvelles ressources, d'accélérer le
changement technique et l'utilisation de substituts et d'en diminuer la
consommation. Cependant l'efficacité de cet effet peut être limité
- Lorsque les biens sont complémentaires, qu'il
n'y a pas de substitut efficace. Dans ce cas le prix n'a qu'un effet
redistributif. C'est partiellement le cas pour le pétrole, une
augmentation de son prix étant suivie de peu de modification de la
consommation, au moins à court terme.
- Si l'État manipule les prix ils peuvent ne
plus refléter la rareté des biens. Par exemple les subventions à
l'agriculture, avec des prix garantis, ou encore les différentiels de
taxation sur les carburants peuvent empêcher l'effet prix de jouer
correctement.
- En raison de la spéculation, particulièrement
importante pour les marchés des matières premières côtées en bourse.
- Lorsque les prix sont déterminés par d'autres
facteurs de production, par exemple par les salaires, les salariés étant
peu mobiles.
- Parce que agents ou groupements d'agents
peuvent influencer les prix, soit en les diminuant pour empêcher l'entrée
de concurrents ou avoir des coûts de production faibles, ou bien au
contraire en les augmentant pour profiter d'une situation de monopole.
Le pétrole est un bon
exemple de ressource dont les prix reflètent beaucoup de choses mais pas sa
raréfaction croissante. Il est plus influencé par les issues des conflits
portant sur la possession des gisements, par les comportements de cartel de
l'OPEP ou par le cours du dollar.
2.3. Épuisabilité et substituabilité
Il faut bien garder à
l'esprit que dans certains cas ce sont les sources naturelles qui sont
lentement ou non renouvelables. En revanche ce qui est extrait peut
éventuellement provenir d'autres sources, ou être produit artificiellement, en
général à un coût élevé. Par exemple on peut produire du pétrole à partir du
charbon. Par ailleurs il existe souvent des substituts, généralement moins
efficaces qui peuvent être utilisés pour les mêmes usages, ainsi les
conséquences globales de la raréfaction d'une ressource peuvent ne pas être
aussi dramatiques qu'elles peuvent paraître au premier abord. Par exemple la
biomasse (huile, plantes) est un substitut possible au pétrole, avec
Au final, on est
plutôt dans une situation où les pays industrialisés ont une consommation
excessive des ressources naturelles extraites des pays en voie de
développement. Dans certains cas les pays industrialisés utilisent même la
force pour garder ou prendre le contrôle de ressources importantes. Cela a été
le cas au Congo pour les ressources minières dans les années 60 et encore
aujourd'hui la "libération" de l'Irak par les États-Unis est
certainement motivée entre autres par le contrôle des importantes ressources
pétrolières de ce pays.
Chapitre Troisième
La prise en compte des impacts
environnementaux localisés
3.1.
Introduction
Dans le précédent
chapitre il s'agissait surtout de problèmes de gestion, de redistribution des
richesses et de formation des prix, rendus plus délicats par les temps longs et
l'irréversibilité qui caractérisent les ressources naturelles. Dans ce qui suit
des questions plus spécifiques de l'économie de l'environnement vont être
traitées, il s'agit des pollutions et des services rendus par l'environnement.
Pour commencer nous allons nous intéresser à ces questions lorsque l'effet est
localisé, c'est à dire qu'il ne touche qu'un agent et qu'il n'est produit que
par un agent.
3.2.
Les externalités
Dans le cas d'une
pollution il s'agit d'une action dommageable, non volontaire d'un agent sur
l'autre. Le même type d'interactions, mais de nature positive peuvent également
avoir lieu. L'exemple fondateur est celui de l'arboriculteur et de
l'apiculteur. Les abeilles de l'apiculteur pollinisent les arbres de
l'arboriculteur qui font des fruits et les arbres de l'arboriculteur
nourrissent les abeilles avec le nectar et le pollen. Il s'agit d'un effet
bénéfique croisé involontaire entre les deux activités.
En économie ces deux
situations sont regroupées dans un unique cadre conceptuel, celui des
externalités, qui peuvent être positives ou négatives. Toutes les actions
involontaires d'un agent sur l'autre ne sont pas sources d'externalités, celles
qui passent par un marché et par les prix sont exclues. En effet sur un marché
les quantités demandées par un agent vont avoir un effet sur le prix et sur les
autres agents, mais ce n'est pas une externalité. Le mot externalité fait
d'ailleurs référence à des effets externes au marché. Il y a donc externalité
lorsque les actions d'un agent influencent le bien-être d'un autre agent, sans
que cette action ne passe par un marché.
Dans le cas d'une
externalité il est possible d'améliorer le sort d'au moins un agent en prenant
en compte cette influence. Lorsque les actions des agents sont méditées par le
marché ce n'est pas le cas, et c'est pour cela que l'on considère les
externalités de façon séparée.
Pour que les
non-économistes puissent bien saisir la suite il faut faire un petit détour par
de l'économie standard pour présenter la situation de référence qui s'oppose à
une situation avec externalité. il faut également présenter le critère de
bien-être communément admis pour le choix public, afin de voir en quoi la
présence d'externalité implique une déviation de l'optimum social, tandis que
ce n'est pas le cas avec un marché, dans une situation dite de
"concurrence pure et parfaite".
3.3.
La "concurrence pure et parfaite"
Dans une situation de
concurrence pure et parfaite les agents considèrent le prix comme donné. Ils
choisissent la quantité qu'ils offrent ou demandent qui permet de maximiser
leur utilité, si ce sont des consommateurs, ou leur profit si ce sont des
producteurs. On suppose également que les échanges se font pour un prix tel que
les quantités offertes et les quantités demandées sont égales. Sous certaines
hypothèses de représentation des préférences des agents et de forme de fonction
de coût pour les producteurs, cet équilibre est unique.
Les marchés réels
n'ont pas forcément de rapport avec cette situation, pour un grand nombre de
raisons. En particulier les préférences des agents et les fonctions de coût
n'ont pas forcément la forme qu'il faut, les agents ne se comportent pas
exactement comme dans la théorie, ils peuvent fréquemment influencer les prix,
spéculer, les échanges se font hors de l'équilibre, la publicité influence la
demande, et les agents peuvent utiliser une information privée. Les marchés qui
se tiennent sur la place du marché correspondent assez bien à cette situation,
tous les autres marchés s'en éloignent plus ou moins. Cette concurrence pure et
parfaite va permettre d'atteindre un optimum de bien-être social que l'on va
maintenant présenter.
3.4.
L'optimum de Pareto
Le critère de Pareto
est un critère normatif permettant de juger de l'optimalité collective d'une
situation donnée. Il y a optimalité au sens de Pareto lorsqu'il n'est pas
possible d'améliorer le bien être d'un agent sans diminuer celui d'un autre
agent. Ce n'est pas du tout un critère d'équité, en effet une situation dans
laquelle un agent a tout et les autres rien est un optimum de Pareto. C'est
même un critère relativement inégalitaire puisqu'il empêche une véritable
redistribution. C'est en revanche un critère d'efficacité, il semble pertinent
d'éviter toute situation Pareto sous-optimale puisque dans ce cas on peut
améliorer le sort d'un agent sans détériorer la situation des autres agents.
Un des objectifs de
l'économie est de permettre d'atteindre un optimum de Pareto à partir d'une
situation sous-optimale en ce sens. L'aspect redistributif est laissé au
politique. On va se placer dans cette optique réductrice qui est déjà
relativement riche. La concurrence pure et parfaite permet d'atteindre un
optimum de Pareto. Par contre lorsqu'il y a des externalités cet optimum n'est
pas atteint, par exemple un pollueur pourrait moins polluer en échange d'un
dédommagement de la part des victimes de la pollution et on obtiendrait une
situations peut-être inacceptable sur le plan éthique mais qui améliore le sort
de tous.
3.5.
L'optimum de Pareto en présence
d'externalités
Lorsque rien n'est
fait les externalités négatives sont surproduites et les externalités positives
sont sous-produites. Nous allons regarder plus en détail le cas d'une pollution
d'une firme par une autre pour essayer de déterminer le niveau optimal de
pollution satisfaisant au critère de Pareto. On suppose qu'une tannerie est
située en amont d'une fabrique de bière. La tannerie rejette des eaux sales et
la fabrique de bière a besoin d'eau propre. La fabrique de bière est donc
obligée de dépolluer l'eau qui provient de la rivière. La tannerie qui ne se
préoccupe pas de ce qui se passe en aval va polluer l'eau de façon
inintentionnelle jusqu'au niveau correspondant à une activité de tannerie
permettant la maximisation de ses profits.
3.5.1. Le niveau de
dépollution optimale
Si éviter de rejeter
de l'eau très sale est plus rentable que dépolluer l'eau lorsqu'elle est très
polluée on est dans un cas de sous-optimalité. La tannerie devrait réduire sa
pollution pour permettre d'atteindre l'optimum de Pareto. La tannerie doit-elle
pour autant éviter tout rejet d'eau polluée ? Si pour un niveau de
pollution nulle il est moins cher de rejeter un peu d'eau polluée que d'épurer
l'eau en aval la situation ne sera pas plus optimale puisqu'un peu de pollution
permettrait d'améliorer la situation. Sous ces hypothèses il existe une pollution
optimale qui permet d'atteindre l'optimum de Pareto.
Quel est ce
niveau ? En partant d'une situation de pollution nulle, il faudra
augmenter la quantité de pollution, tant que dépolluer au niveau de la tannerie
(en diminuant l'activité ou en utilisant des procédés techniques) coûte plus
cher que d'accepter un peu plus de polluant au niveau de la fabrique de bière.
L'optimum est atteint lorsque le coût de la dépollution d'une unité de
pollution supplémentaire pour la tannerie est égal au coût de cette unité
additionnelle pour la fabrique de bière.
3.5.2. Illustration
de l'optimum de dépollution
Pour préciser ce
résultat on va illustrer graphiquement cette situation. Sur le graphique on va
figurer le coût de dépollution d'une unité supplémentaire de pollution pour la
tannerie en fonction de la quantité de pollution. On suppose que c'est d'autant
plus difficile de dépolluer qu'il y a déjà une pollution faible. Autrement dit
le coût de dépollution d'une unité additionnelle décroît avec la quantité de pollution.
Sur ce même graphique on fait figurer le gain, pour la fabrique de bière, d'une
unité de pollution en moins pour tous les niveaux de pollution. On suppose que
le gain est important lorsque la pollution est importante tandis qu'il est
faible pour une pollution faible et donc que le gain d'une dépollution
additionnelle augmente avec le niveau de pollution.
L'optimum est atteint
au niveau du croisement de ces courbes. Dans ce cas le coût de la dépollution
d'une unité additionnelle est égal au bénéfice retiré de la dépollution de
cette unité additionnelle. Si la pollution est plus importante le bénéfice
retiré de la dépollution d'une unité est plus important que le coût de cette
unité additionnelle, il faut donc enlever cette unité de pollution. Le coût
d'une unité additionnelle est appelé le coût marginal, tandis que le bénéfice
retiré d'une unité additionnelle est le bénéfice marginal, car ces coûts et
bénéfices sont retirés à la marge, pour la nouvelle unité.
Fig
1 : Coût marginal, bénéfice marginal et pollution
Lorsqu'il y a
externalité, les coûts individuels ne reflètent pas les coûts subis au niveau
collectif, par les autres agents. La pollution faite par la tannerie est source
de coût pour la fabrique de bière mais ce n'en est pas un pour la tannerie, or
c'est elle qui pollue. On parle de coût externe pour dénommer ce type de coûts
qu'un agent fait peser sur les autres. Comme il n'y a pas de marché il n'y a
pas de possibilité de prendre en compte la demande de dépollution de la part de
la fabrique de bière et ce coût externe peut perdurer si rien n'est fait.
Nous allons voir plus
loin les solutions aui existent pour éviter ces coûts externes. Mais auparavant
il faut également considérer des cas plus complexes, avec un grand nombre
d'agents affectés.
Chapitre Quatrième
La dimension de bien commun de
l'environnement
4.1.
Introduction
Le cas d'une
externalité produite par un agent affectant un autre agent est tout à fait
envisageable mais reste relativement rare. En général de nombreux agents sont
touchés par l'externalité et de la même façon les pollutions sont fréquemment
le produit de l'activité de nombreux agents. Symétriquement les services rendus
par les ressources naturelles profitent souvent à de nombreux agents tandis que
ces ressources naturelles peuvent être menacées par de nombreuses activités.
Ainsi la pollution
engendrée par le transport est une externalité produite par de nombreux agents
et également subie par une population importante, qui regroupe d'ailleurs une
grande partie de ceux qui la produisent. La biodiversité est une ressource
naturelle qui est menacée par de nombreuses causes et peut se révéler
importante pour divers agents, en particulier pour des agents qui ne sont pas
encore nés, pour les générations futures. Enfin le dioxyde de carbone est
produit par la combustion des énergies fossiles ou encore la destruction de
biomasse, il est émis au cours de la production ou la consommation de quasiment
tous les biens, et son accumulation est certainement responsable d'une
modification du climat terrestre qui concerne l'ensemble des êtres vivants.
4.2.
Les biens publics purs
En économie les biens
qui possèdent des caractéristiques particulières qui en font des biens communs
sont appelés "biens publics". Cette dénomination provient de
l'anglais "public good" et n'est pas spécialement reliée à la notion
de service public. Formellement trois caractéristiques font d'un bien un bien
public:
- C'est un bien non rival. Ceci veut dire qu’il
est possible de le consommer plusieurs fois sans le modifier et que
plusieurs agents peuvent le consommer simultanément. La plupart des biens
sont non rivaux, par exemple un aliment ne peut être consommé que par une
seule personne. Dans le cas d'un bien public ayant un impact négatif,
comme une pollution le fait qu'une personne soit impactée ne protège pas
les autres agents.
- C'est un bien non excludable. Il est
impossible d'empêcher un agent de le consommer. Un exemple caractéristique
est la lumière d'un phare que tous les agents peuvent utiliser.
- Il est de consommation obligatoire. Cette
caractéristique est l'équivalent de la non-excludabilité pour un bien
public ayant un impact négatif : il n'est pas possible de se
soustraire à la consommation de ce bien.
Lorsqu'il s'agira
d'un bien public ayant un effet positif chez celui qui le consomme ce sera un
bien public tout court, lorsqu'il s'agit d'un bien public ayant un impact
négatif ce sera un bien public ayant un impact négatif.
4.3.
Les biens publics réels
Les biens publics
satisfaisant réellement aux trois critères sont rares, le dioxygène est à peu
près le seul exemple. Par contre de nombreux biens ont ces caractéristiques
plus ou moins atténués. De véritables biens non rivaux existent, par exemple un
paysage, ou l'information. Ensuite de nombreux biens sont soumis à encombrement
c'est à dire qu'ils sont non-rivaux tant qu'il n'y a pas trop de consommateurs.
Un cas typique est la route qui est non-rivale tant qu'il n'y a pas de
bouchons, ou l'éducation tant qu'il n'y a pas de sous-capacité. D'autre part
ces biens non rivaux sont souvent locaux, comme un nuage de pollution ou un
site intéressant.
Les biens réellement
non-excludables sont également peu nombreux car des dispositifs techniques,
légaux ou institutionnels peuvent fréquement être mis en place pour exclure les
consommateurs, on peut citer le droit du copyright pour l'information ou l'art.
Ces dispositifs sont cependant toujours coûteux et peuvent également être
interdits, ainsi on peut protéger des procédées par brevet et des phrases avec
le copyright, mais de façon générale les idées ne peuvent pas être protégées
autrement que par le secret. La plupart des biens sont exclus par la propriété
privée.
Enfin pour ce qui
concerne l'obligation de consommation elle peut être plus ou moins stricte. Un règlement
ou la justice sont de consommation obligatoire mais il est possible de tricher.
Une pollution peut être de consommation obligatoire, par contre il est souvent
possible de se protéger de ses effets.
4.4.
La tragédie des communs
Une première chose à
mentionner, qui n'est pas vraiment capitale mais qui fait le liens avec les
externalités c'est que les biens publics sont toujours associés à des
externalités, positives pour les biens publics et négatives pour les biens
publics ayant des impacts négatifs. En effet un agent qui produit un bien
public en fait bénéficier les autres agents, et la consommation ne peut pas
passer par un marché étant donné que le bien est non-excludable. Ce n'est pas
une externalité banale, elle pose des problèmes de gestion épineux.
En effet chaque agent
prit individuellement a intérêt à consommer du bien public, mais il n'a pas
intérêt à le financer. On utilise fréquemment l'image du passager clandestin
pour illustrer ce problème. En effet le passager clandestin profite d'un moyen
de locomotion alors qu'il n'a pas payé. Dans le cas d'une pollution globale
comme c'est le cas pour les émissions de dioxyde de carbone créant l'effet de
serre, chaque pays a intérêt à ce que les autres pays diminuent leurs émissions
et à ne rien faire lui-même, et plus les autres pays diminuent leurs émissions,
moins les combustibles fossiles sont chers et plus il a intérêt à en consommer.
Dans le cas d'un bien
commun qui se régénère lentement le problème de l'épuisement de la ressource se
pose avec acuité. C'est ce que l'on appelle la tragédie des communs. Par
exemple si l'abattage du bois dans une forêt est en accès libre un agent ne va
prendre en compte que le coût de l'abattage et pas celui de la régénération de
la forêt. Ceci va avoir pour conséquence que l'agent va accepter un prix
relativement faible pour le bois puisqu'il sous-estime les coûts, que l'offre
de bois va être trop importante, baissant encore les prix et que la forêt va
être surexploitée, jusqu'à ce qu'elle ne soit plus productive. Au final la
communauté des agents qui pouvaient abattre les arbres a tout perdu. Nous
sommes dans le cas d'un bien non excludable, mais rival, ou en tout cas soumis
à encombrement, épuisable.
4.4. La production optimale de
bien public
Lorsqu'un bien public
doit être produit ou préservé il faut prendre en compte le fait qu'il peut être
consommé simultanément par plusieurs agents. De ce fait il faut en produire
tant que la somme des bénéfices marginaux est inférieure au coût marginal de
production d'une unité supérieure. Et à l'optimum la somme des bénéfices
marginaux est égale à la somme des cûts marginaux.
Lorsqu'il s'agit d'un
bien public non rival il faut que tous les agents puissent en consommer et que
leur revenu ne soit pas un obstacle et donc il faut que le bien public soit
gratuit. Dans le cas de l'environnement, par exemple il faut que les sites
naturels intéressants soient ouverts à tous. Lorsqu'il y a encombrement ou
dégradation possible, alors il faut le prendre en compte et limiter la
consommation ou la production du bien public.
Chapitre Cinquième
5.1.
Pourquoi évaluer
Dans certains cas il
n'y a pas besoin d'évaluer la pollution ou la quantité d'externalité optimale.
C'est le cas lorsque la pollution est toxique ou bien que l'on a décidé qu'une
ressource naturelle devait être préservée à tout prix. Dans le cadre présenté
ci-dessus ceci signifie que le bénéfice lié à la non émission de la première
unité de pollution est plus important que ce que cette émission pourrait
rapporter. Il faut déjà une forme d'évaluation pour fonder l'interdiction mais
elle peut être aisée si une des alternatives apparaît comme meilleure quelque
soit le niveau d'émission. Lorsque les agents ne respectent pas la
réglementation, l'évaluation revient en catimini puisqu'il faut déterminer le
niveau de la sanction a appliquer.
Lorsqu'un certain
niveau de pollution ou d'externalité positive semble utile, le problème est
plus délicat, car il va falloir comparer ce qui advient aux différents niveaux
de production d'externalité. Il faut donc pouvoir évaluer les conséquences
d'une externalité.
5.2.
Évaluation aux prix du marché
Lorsque les
conséquences des externalités passent par des marchés, sous forme de bien
vendus, de modification de rentabilité, alors un équivalent monétaire est
disponible et il n'y a pas de difficulté insurmontable puisqu'il sera possible
d'utiliser le prix du marché pour évaluer le coût ou le bénéfice marginal. Et
les agents peuvent effectivement passer par un marché pour acheter ou vendre
des biens, c'est même un équivalent matériel.
Cela ne veut pas dire
que le choix du niveau de pollution est trivial, car l'effet en bien-être des
coût ou bénéfice exprimés en équivalent monétaire, peuvent dépendre de l'agent
considéré, un surcroît de revenu n'ayant pas le même effet sur tous les agents.
Par exemple, en
reprenant le cas de la tannerie et de la fabrique de bière il semble pertinent
d'évaluer les conséquences de l'externalité monétairement puisqu'il s'agit de
baisse de production que l'on peut valoriser au prix du marché ou de
dispositifs techniques de dépollution qui ont un coût monétaire. Ensuite il
faudrait prendre en compte les effets d'équilibre général puisque les firmes
sont impliquées dans d'autres marchés, par exemple la tannerie achète du cuir,
embauche du personnel et les dispositifs techniques sont vendus par une autre
entreprise. Et enfin il faudrait déterminer l'effet sur le bien-être de cette
modification du revenu pour tous les agents concernés, c'est à dire les
possesseurs des entreprises et les salariés.
Lorsque les prix ne
représentent pas bien les préférences des agents, ce qui est le cas lorsque les
marchés ne sont pas en concurrence pure et parfaite l'évaluation peut encore
être compliquée. Quoi qu'il en soit cette évaluation reste possible, et pour
des externalités localisées il est souvent possible de faire des hypothèses
simplificatrices.
5.3.
Évaluation des biens hors marché
De nombreux biens
environnementaux n'ont pas de valeur de marché. C'est le cas général des
externalités qui impactent la directement la consommation des agents ou leur
bien être, sans passer par un processus de production. Ainsi la pollution d'un
cours d'eau qui est utilisé pour des activités récréatives de proximité n'est
reflétée dans le prix ou la quantité d'aucun bien se vendant sur un marché.
Cette absence de
marché et cette question de l'évaluation sont d'ailleurs au centre du concept
d'externalités, puisque l'absence de marché et d'évaluation va de pair avec la
présence d'externalités non prises en compte dans les décisions (voir coût externe). Elle
explique également la surexploitation de certaines ressources qui apparaissent
comme gratuites.
5.3.1. Les méthodes
d'évaluation indirectes
Dans ce cas on essaie
d'utiliser l'information présente dans les comportements des agents pour
inférer la valeur des biens environnementaux. On peut citer la méthode des
coûts de déplacement qui donne une approximation de la valeur présente d'un
site en utilisant le coût du transport des individus venant le visiter. Un
biais évident de cette méthode est que le voyage lui-même peut être source de
bien-être, ce que seule une interrogation des agents peut révéler.
Il y a également la
méthode des prix hédonique dans laquelle on essaie de déterminer, dans le prix
d'un bien, ce qui correspond à des caractéristiques environnementales (faible
pollution, vue…). Cette méthode souffre elle aussi de certains biais, les
évaluations étant très sensibles aux spécifications des fonctions explicatives.
Des méthodes indirectes
sont également utilisées pour évaluer l'effet d'une pollution sur la santé et
la vie humaine. Par exemple le coût de la maladie peut être évalué au coût
hospitalier auquel on rajoute la perte de production. Lorsque la vie des
personnes est en jeu il faut également évaluer ce que l'on appelle le
"prix de la vie". Ce n'est pas vraiment le prix de la vie, en fait
c'est la perte liée à une mort survenant de façon prématurée. D'autre part ce
n'est pas un coût individuel mais un coût statistique pesant sur la population
à risque.
C'est bien évidemment
une valeur sujette à de nombreuses controverses entre autres sur sa pertinence.
En général, on utilise la somme des revenus futurs de l'individu pour
évaluer le coût de sa mort. C'est un procédé assez douteux, par exemple les
inactifs n'ont pas de valeur dans ce cas, ce qui conduit à leur associer un
revenu fictif, cette valeur dépend très fortement des projections que l'on fait
du futur, et, lorsque l'on n'agrège pas tous les revenus futurs, les habitants
des pays pauvres ont une vie qui vaut moins que ceux des pays riches.
Toutes ces méthodes
sont assez fragiles mais il peut être nécessaires de les utiliser lorsqu'il
s'agit de prendre une décision sur un niveau de pollution ou la préservation
d'un site naturel.
5.3.2. L'évaluation
contingente.
5.3.2.1.
De la signification
La valeur associée à
un bien environnemental peut n'être reflétée par aucun comportement ni prix.
C'est par exemple le cas de la valeur de leg, qui est en jeu lorsqu l'on veut
pouvoir utiliser un bien dans le futur ou que d'autres, en particulier nos
descendants puissent en profiter. On définit également la valeur d'existence
comme une valeur attachée au maintien d'un bien indépendamment de ses usages
présents ou futurs et cette valeur ne peut s'obtenir autrement qu'en demandant
aux individus ce qu'ils en pensent.
L'évaluation
contingente est justement une méthode pour laquelle on s'adresse aux agents
pour connaître leur évaluation d'un bien environnemental, c'est une méthode de
révélation des préférences. Pour cela on leur demande combien ils seraient
prêts à payer pour que ce bien soit conservé ou encore de combien ils
voudraient être dédommagés si ce bien disparaissait. On dénomme ces sommes le
consentement à payer et le consentement à recevoir. On peut demander la même
chose pour une pollution, et on peut même le demander pour plusieurs niveaux de
pollution, ou plusieurs niveaux d'utilisation du bien environnemental.
Cette méthode permet
d'avoir une évaluation pour l'individu de la valeur du bien, qui de plus est
déjà dans une unité permettant la comparaison avec d'autres évaluations,
puisqu'elle est en unités monétaires. Elle est cependant sujette à de
nombreuses critiques.
5.3.2.2
Évaluation contingente et absence de marchés
Tout d'abord un
certain nombre d'agents refusent de répondre, et ce parce l'unité monétaire est
souvent perçue comme n'étant pas uniquement un étalon de valeur mais plutôt
comme un pouvoir d'achat associé à une consommation de biens et services issus
de l'activités industrielle, qui ne peut être utilisée pour les biens
environnementaux qui sont de nature différente (biens publics ou externalités).
Ce qui ne s'achète pas n'a pas d'équivalent monétaire.
Lorsque les agents
acceptent de se prêter au jeu, on remarque que pour des valeurs d'usage les
résultats sont assez bons, en particulier si les agents ont l'habitude de payer
pour des biens similaires, comme c'est le cas pour les activités récréatives,
et dans ce cas les méthodes indirectes donnent des résultats assez proches de
l'évaluation contingente.
5.3.2.2.
Les biais de l'évaluation contingente
a. Biais hypothétique
Lorsque
les biens sont vraiment hors marché les résultats sont assez peu fiables, en
particulier pour les valeurs de non usage. En effet les agents sont placés dans
une situation de marché fictif et leurs manques de référence va avoir pour
conséquence des réponses sans rapport avec les choix qu'ils feraient dans une
situation réelle. C'est le biais hypothétique. Ce biais peut être mesuré s'il
est possible de mettre en place parallèlement à l'évaluation contingente une
situation dans laquelle les agents peuvent effectivement révéler leurs
préférences, comme par exemple une vente aux enchères.
b. Biais lié à l'administration
du questionnaire
Les
agents sont alors très sensibles au contexte informationnel, à la relation avec
l'enquêteur, l'ordre des questions. Il s'agit en effet de construire une valeur
à pour un bien qui n'en a pas, et le contexte va influencer cette construction,
c'est un biais lié à l'administration du questionnaire.
c. Biais stratégique
Il
y a ensuite ce que l'on appelle le biais stratégique qui apparaît pour les
biens publics. En effet, si les agents ne paient pas réellement ce qu'ils
déclarent comme consentement à payer ils ont intérêt à l'exagérer. Dans le même
ordre d'idée leur perception des coûts, et des disponibilités à payer des
autres agents vont influencer leurs réponses. Par exemple si les agents pensent
que ce n'est pas à eux de payer, ils vont donner un consentement nul ce qui ne
correspond pas à leurs préférences.
d. Biais d'inclusion
Ensuite
il y a le biais d'inclusion. En particulier pour des biens environnementaux qui
ne sont pas du quotidien de l'agent, par exemple des espèces à protéger, que
l'agent pense être importants. Dans ce cas la valeur déclarée va être celle
donnée à l'ensemble des biens d'une certaine catégorie et non à un bien précis.
Ceci se traduit par un consentement à payer indépendant de la quantité de bien
protégé. Ou encore par le fait que la somme des consentements pour divers biens
dépasse largement le consentement à payer pour les biens agrégés. Ce biais
semble être causé par le sentiment d'agir pour une bonne cause. En effet les
agents attribuent une somme forfaitaire pour cette cause, ce qui conduit au
biais d'inclusion. L'agent considère qu'il est en situation de don, et non de
transaction ce qui fait que c'est son consentement à donner pour un oeuvre
charitable qui est mesuré et pas ses préférences.
e. Effet revenu
Enfin
un autre biais, provient de l'effet revenu. En effet le consentement à payer
pour les biens environnementaux dépend de la situation courante de l'individu,
et donc de ses dotations. En particulier les agents plus riches ont
généralement un consentement à payer plus important que les agents plus
pauvres, ce qui a pour conséquence de leur donner un poids plus important dans
les évaluation que ce que donnerait une mesure directe du bien-être.
Connaissant tous ces
biais, on peut interpréter la réaction des agents qui refusent de répondre en considérant
que l'absence de marché rend le résultat tellement peu fiable qu'il n'a pas
d'intérêt à le connaître. Malheureusement il est difficile de connaître
certaines valeurs autrement.
5.3.2.3.
L'évaluation contingente en pratique
L'évaluation
contingente est utilisée pour déterminer le niveau des dédommagements suite aux
dommages infligés aux ressources naturelles, en particulier aux États-Unis, et
ce depuis la marée noire de l'Exxon Valdez en
5.4. Identification des agents concernés
L'évaluation des
effets d'une externalité suppose que l'on connaisse à la fois tous les
producteurs et tous les receveurs de l'externalité. C'est une tâche qui peut
être très difficile lorsque les sources d'externalité sont diffuses. C'est le
cas des pollutions diffuses d'origine agricole qui se retrouvent dans les
nappes phréatiques. Les victimes de la pollution atmosphérique peuvent
également être difficiles à identifier.
De façon générale,
pour connaître l'effet d'une externalité de type pollution, il faut déterminer
les modes de dispersion des polluants, leurs transformations chimiques et leurs
effets sur les écosystèmes naturels. Cette évaluation requiert donc des moyens
scientifiques et techniques importants qui laissent souvent des zones
d'incertitude.
5.5 Information imparfaite
La question de
l'évaluation peut être compliquée par l'existence d'une asymétrie
d'information. En effet certains agents peuvent avoir des informations privées
qui sont pourtant nécessaires pour une évaluation correcte de l'effet des
externalités. On a déjà vu ce cas au niveau du biais stratégique de
l'évaluation contingente. En fait les coûts et bénéfices doivent généralement
être déterminés avec la participation de l'agent. Par exemple les entreprises
connaissent beaucoup mieux que quiconque leurs coûts réels de dépollution. Les bénéfices
de non usage des ressources environnementales sont des informations strictement
privées.
Chapitre Sixième
Régulation environnementale
Nous
avons vu qu'en présence d'externalités, de bien publics il est possible
d'obtenir une situation plus efficace au sens de Pareto en améliorant le sort
d'au moins un agent. Il s'agit maintenant de sélectionner un optimum de Pareto
et se donner les moyens d'y parvenir.
5.1 La négociation
5.1.1
Sans bien public
Il est possible
d'atteindre un optimum de Pareto pour une externalité simple. En effet les
agents peuvent négocier pour effectuer un paiment en échange d'une modification
du niveau de l'externalité. En reprenant l'exemple de la fabrique de bière
polluée par la tannerie, si dans la situation initiale polluer est permis,
alors l'agent victime de la pollution, la fabrique de bière, peut faire un
contrat avec l'agent polluant pour qu'il pollue moins, contre paiement. Il est
possible d'interpréter cette situation comme la création d'un marché pour la
dépollution. De façon symétrique, si la tannerie n'a pas le droit de polluer,
elle peut faire un contrat avec la fabrique de bière pour pouvoir polluer en
échange d'un paiement.
5.1.2
Avec bien public
Dans ce cas, une
négociation multilatérale pourra ne pas aboutir, étant donné que l'on est dans
le cas du passager clandestin. Sous certaines hypothèses sur le comportement
des agents les agents vont mentir sur leur disponibilité à payer pour que la
pollution soit réduite.
Pour illustrer ce cas
de figure, on va considérer une situation dans laquelle une tannerie pollue en
amont d'un lac, et sur ce lac se trouve un village, avec des habitants qui
utilisent l'eau pour pêcher, boire, cuire leurs aliments ou pour s'amuser. Dans
ce cas il faudrait que les villageois se mettent d'accord pour faire un contrat
avec la tannerie et payent la tannerie pour qu'elle pollue moins. Les
villageois vont donc se réunir pour décider du montant à payer à la tannerie en
fonction de la diminution de pollution qu'elle consent. Une règle possible est
de considérer que chacun met dans un pot commun en fonction de la gène qu'il
subit. Dans ce cas les agents ont intérêt individuellement à se déclarer peu
touché afin que ce soient d'autres agents qui payent, sachant que toute réduction
de la pollution, payée par un autre agent, lui sera profitable. Au final les
agents vont uniquement payer en fonction de la pollution qu'ils reçoivent
personnellement, et le moins possible, les paiements seront trop faibles et on
n'atteindra pas l'optimum collectif. C'est une illustration de du problème du
passager clandestin et de la difficulté du financement des biens publics.
5.1.3
La négociation en pratique
En pratique il existe
un seul cas de négociation bilatérale documenté, il concerne une raffinerie de
BP et une usine Volvo en Suède. L'usine Volvo avait remarqué que les fumées de
la raffinerie corrodaient les voitures. Ils se sont mis d'accord pour que la
raffinerie ne traite pas le pétrole de mauvaise qualité, riche en soufre, qui
produit des fumées corrosives lorsque le vent était en direction de l'usine de
voitures. C'est cependant une négociation partielle, car les habitants du
village voisin, pourtant affectés par les fumées n'ont pas été conviés à la
négociation.
5.1.4
Les labels
La définition de
labels permet également de créer un marché pour une externalité. En effet les
consommateurs peuvent payer plus cher pour un bien qui possède certaines
caractéristiques qui ne sont pas négociables séparément, en particulier un
niveau d'externalité. Par exemple les produits ayant le label agriculture
biologique sont produits en utilisant un cahier des charges précis qui
correspond entre autres à une moindre pollution.
Les produits issus de
l'agriculture biologique ont un certain succès, cependant la majorité des
consommateurs ne les achètent pas parce qu'ils respectent l'environnement mais
parce qu'ils pensent qu'ils soont meilleurs pour leur santé. Lorsqu'ils sont
interrogés, les agents déclarent qu'il faut acheter les produits labellisés et
qu'ils le feraient eux-mêmes, cependant, leur choix en condition d'achat est
différent. C'est encore une illustration du problème du passager clandestin.
5.2 La gestion
communautaire
5.2.1
Modes de gestion communautaires
Il est également
possible de résoudre les externalités en fusionnant celui qui subit et celui
qui cause l'externalité. Supposons que la fabrique de bière était prospère
avant l'arrivée de la tannerie, petite entreprise familiale. Dans ce cas les
possesseurs de la fabrique de bière peuvent acheter la tannerie afin de ne plus
subir cette pollution et optimiser de façon interne à l'organisation cette
externalité.
Dans le cas des biens
publics, des modes de gestions existent qui permettent d'éviter les passagers
clandestins. Par exemple le fait d'avoir une relation entre individus basés sur
la réputation, ou sur une tradition de partage, des valeurs d'altruisme, des
obligations religieuses ou institutionnelles peut permettre une gestion
efficace des ressources naturelles. Les exemples de gestion communautaire de
ressources naturelles de ce type sont assez nombreux, par exemple au niveau de
la gestion de l'eau en Camargue, réglée par le traité des marais depuis le dix
neuvième siècle jusque dans les années 60, ou encore dans certaines tribus un
système de dons et contre-dons permet d'éviter les passagers clandestins.
Lorsque les agents ont des relations répétées les passagers clandestins sont
beaucoup plus facilement sanctionnés.
5.2.2
Évolution des modes de gestion communautaires
Pour de nombreux auteurs,
cependant ces modes de gestion sont en régression. Lorsque ces ressources sont
en accès libre, les traditions de gestion peuvent ne pas être garantes de leur
bonne utilisation en raison de l'extension des mouvements de population (en
Afrique par exemple), ou de la montée de l'individualisme. Dans ca cas un
certain degré de privatisation, et d'exclusion des ressources peut permettre
une meilleure gestion de la ressource.
La privatisation des
terres peut également affaiblir l'organisation collective autour d'une
ressource partagée, comme l'eau. Cela a été le cas pour
5.3 Les instruments
de régulation
Les modes de
régulation plus ou moins spontanés qui viennent d'être décrits sont tout à fait
insuffisants dans le cas général. Il faut alors une régulation provenant de
l'État pour permettre l'obtention d'un optimum de Pareto.
Il faut en premier
lieu déterminer l'optimum de Pareto que l'on désire atteindre.
5.3.1
Objectifs de la régulation
5.3.1.1 Sélection
d'un optimum de Pareto
De nombreux optimums
de Pareto peuvent être atteints, étant donné une allocation initiale. De plus,
alors que dans de nombreux cas il faudrait une compensation d'au moins un agent
pour que son bien-être ne soit pas diminué, on considère que l'on peut tout de
même aller à cet optimum sans que cet agent ne soit compensé, l'important étant
que l'on se retrouve à un optimum de Pareto. Autrement dit on s'autorise à
faire de la redistribution en augmentant l'efficacité.
5.3.1.2 L'analyse
coût bénéfice
Une technique souvent
utilisée pour déterminer l'opportunité de réaliser un projet est l'analyse coût
bénéfice, encore appelée analyse coût avantage. Dans ce cas on ne cherche pas à
connaître toutes les conséquences possibles de chaque niveau de production
d'externalité, mais on sélectionne des projets et on cherche ceux pour lesquels
la somme des bénéfices dépasse la somme des coûts. Si ce projet est implémenté
il y a effectivement Pareto amélioration, mais on ne sera pas forcément à
l'optimum.
Cette démarche est
forcément réductrice, puisque la complexité du problème et les gains et pertes
des différents agents aux intérêts divergents sont sommés de façon indistincte.
Ainsi on s'autorise également dans ce cas à faire de la redistribution.
5.3.2
Les instruments
Une fois que l'on a
déterminé un optimum de Pareto correspondant à une production donnée
d'externalité il faut des instruments permettant d'inciter les agents à
produire cette quantité.
5.3.2.1 Normes
Mettre en place une
norme consiste à fixer le niveau de pollution maximal que l'agent peut émettre,
on dit également un quota. En général une norme est uniforme, c'est-à-dire qu'elle est la
même pour tous les agents, mais elle peut également être différenciée, et
donc différente suivant l'agent. Pour forcer la production d'externalité il est
également possible de mettre un quota de production obligatoire, mais c'est
rare.
Lorsque les émissions
de polluants ne peuvent pas être facilement mesuré, les normes peuvent être
fixées sur les intrants, ou encore sur la technologie à utiliser. La norme doit
être établie à un niveau tel que la somme des productions d'externalités est
égale au niveau optimal, c'est un instrument en quantité. De nombreuses normes
uniformes existent, on peut citer les pots catalytiques, les normes sur les
rejets industriels ou encore les normes sur les rejets agricoles de nitrates.
Il n'existe pas de norme différenciée à ma connaissance.
5.3.2.2 Taxes et
subventions
Une taxe (dite
pigouvienne) est un montant que doit payer un émetteur pour chaque unité émise.
La taxe doit être établie au niveau du coût marginal optimum, pour que les
agents choisissent le niveau d'émission optimal. En effet, si un agent a un
coût marginal de dépollution plus faible que la taxe, il a intérêt à dépolluer
plutôt que de payer la taxe. Si, par contre, le niveau de dépollution est tel
que le coût de dépollution de la dernière unité est plus élevé que le niveau de
la taxe, l'agent à intérêt à payer plutôt que dépolluer.
Il est également
possible de subventionner l'agent pour toute unité de pollution qu'il cesse
d'émettre. Dans ce cas il faut mettre le taux de subvention au niveau du coût
marginal optimal, et la quantité de pollution sera la quantité de l'optimum de
Pareto.
Dans les deux cas il
s'agit en fait de donner un prix à la pollution émise, et ce prix est mis au
niveau qui permet d'avoir la bonne quantité. La taxe comme la subvention sont
des instruments en prix.
5.3.2.3 Les taxes et
subventions en pratique
Les taxes sur les
polluants sont utilisées en pratique, par exemple la en France concerne le
soufre et les nitrates. Il faut cependant bien noter qu'un certain nombre de
taxes, par exemple les taxes sur l'essence ne sont pas des taxes à visée
incitative, elles sont présentes uniquement pour récupérer de l'argent, ce sont
des taxes fiscales. Si elles étaient à visée incitative elles seraient les
mêmes pour tous les usages, et certainement plus élevées.
Dans le cadre des
agences de l'eau un système de taxe subvention est en place. Un certain nombre
d'agents responsables de la pollution de l'eau payent une taxe, ainsi les
ménages payent une taxe pour chaque litre qu'ils consomment, les industriels
sont également taxés en fonction de leurs rejets effectifs de polluant, tandis
que les agriculteurs sont exemptés. Les agents qui dépolluent reçoivent des
subventions, qui sont intégralement prélevées sur les recettes des taxes. Ce
n'est pas un système purement incitatif puisque la taxe perçue sur les ménages
est trop faible pour inciter les agents à modifier leur comportement et n'est
pas assise sur la quantité de polluant émise et les agriculteurs sont exemptés,
mais certains aspects du dispositif sont incitatifs, en particulier vis-à-vis des
industriels.
Enfin des
exonérations d'impôt incitent les ménages à utiliser des procédés plus
efficaces d'utilisation de l'énergie comme le solaire thermique.
5.3.2.4 Marchés de
droits
Il est également
possible de créer un marché pour l'externalité. Pour cela il faut créer des
droits de propriété sur l'émission du bien externe. Par suite un agent ne
pourra pas émettre plus qu'il ne possède de droit. Si ces permis n'étaient pas
négociables ce serait simplement une norme. Il faut donc que la somme des totale
des émissions des permis soit égale à la quantité optimale d'externalité. Ces
permis étant négociables les agents vont pouvoir en vendre et en acheter pour
obtenir la quantité d'émissions qu'ils désirent, au prix du marché des permis.
Le prix des permis
étant donné, un agent se mettra en position d'acheteur si son coût marginal de
dépollution est plus élevé que ce prix, en effet, dans ce cas il vaut mieux
émettre un peu plus et acheter un permis. Les agents vont acheter et vendre des
permis tant que leus coût marginal est différent du prix. À l'équilibre du
marché les quantités possédées par les agents sont telles que tous les coûts
marginaux sont égaux au prix.
Le système de permis
d'émissions négociables est un instrument en quantité, en effet c'est la
quantité totale de pollution qui est fixée.
Un tel marché existe
au niveau de la pollution liée au soufre aux États-Unis. Ce sont les centrales
électriques qui se vendent des permis au sein d'un marché très structuré. Les
permis sont initialement distribués à ceux qui sont déjà sur le marché, en
fonction de leur part de marché.
5.3.3
Minimisation des coûts de dépollution
Dans le cas d'une
norme uniforme, si tous les agents pouvant émettre ne sont pas identiques,
n'ont pas les mêmes coûts de dépollution marginaux, alors l'optimum de Pareto
n'est pas atteint. En effet ceux qui ont un coût de dépollution élevé
préféreraient émettre plutôt que dépolluer et seraient prêts à payer ceux qui
ont un coût de dépollution faible pour qu'ils dépolluent à leur place, laissant
la quantité de pollution totale inchangée.
En fait pour que les
coûts de dépollution soient minimisés il faut que les coûts marginaux de
dépollution de tous les agents soient égaux. Autrement, transférer une unité de
pollution d'un agent au coût élevé vers un agent au coût faible sera rentable.
La taxe et les permis
ont cette propriété de minimisation des coûts, comme on l'a vu, tandis qu'il
faut une norme non uniforme plus restrictive pour les agents qui ont un coût de
dépollution faible. Dans le cas du marché des permis pour le soufre aux
États-Unis on est justement dans un cas où les centrales électriques ont des
coûts de dépollution très différentes, certaines étant très anciennes, très
polluantes et ne pouvant pas être modifiées. Des études de coûts montrent
d'ailleurs que ces coûts de dépollution auraient été bien plus importants avec
une norme uniforme.
5.3.4
Incertitude et asymétrie d'information
Pour l'instant nous
avons supposé que le régulateur connaissait parfaitement les coûts de
dépollution, les bénéfices de la dépollution, ou les agents concernés. Dans ce
cas une norme différenciée, une taxe ou des permis sont équivalents. Lorsque
des incertitudes existent, ce n'est plus le cas. En fonction du type
d'incertitude un instrument en prix ou en quantité sera plus adapté. Par
exemple si il y a un seuil connu, au-delà duquel le bénéfice marginal augmente
fortement, tandis que les coûts marginaux sont très incertains un instrument en
quantité, avec une quantité maximale inférieure au seuil sera plus efficace
qu'un instrument en prix, pour lequel il est possible que le seuil soit
franchi.
Lorsque les agents
ont des informations privées, par exemple des informations sur leurs coûts de
dépollution des instruments plus compliqués peuvent être mis en place, qui
incitent l'agent à rv'éler ses véritables coûts. Pour cela il faut proposer
plusieurs contrats à la firme, avec pour chaque niveau d'effort un transfert
vers la firme. Il faut à la fois minimiser le montant de ce transfert, cette
rente informationnelle, et également atteindre le résultat escompté. Ces
questions sont l'objet de la théorie des contrats. Dans la pratique des
instruments de ce type ne sont pas utilisés, étant trop complexes à mettre en
œuvre.
5.3.5
Coûts de transaction
Tous les instruments
vus ci-dessus, de même que la négociation ou la gestion collective ont des
avantages et des inconvénients. Dans un monde virtuel sans asymétrie
d'information, sans fraude, sans coût d'établissement des contrats, des normes
ou des marchés de permis, tous ces instruments sont équivalents. Par contre
lorsque l'on prend en compte les contraintes du monde réel les instruments ne
sont plus équivalents.
5.3.5.1 Définition
Les principaux coûts
qui s'imposent aux agents sont, dans le cas d'une pollution, constitués par les
impacts de la pollution, les coûts de dépollution, les divers coûts liés aux
achats effectués par les agents, et enfin par les transferts lorsqu'il y a une
taxe ou subvention. Ce ne sont cependant pas les seuls coûts à considérer. En
effet l'établissement des contrats, la détermination du niveau d'une taxe, le
contrôle du respect d'une norme sont autant de coûts à considérer, qui sont
nommés coûts de transaction.
On considère que ce
sont les coûts de transaction qui rendent la négociation bilatérale aussi rare,
et empêchent pratiquement toute négociation multilatérale. Dans ce cadre
l'action de l'État apparaît comme un moyen de diminuer ces coûts de
transaction, grâce à son organisation, ses capacités de financement, aux pouvoirs
qui lui sont conférés et à son rôle de garant du bien public.
5.3.5.2 Les coûts de
mise en place
Quelque soit la
solution envisagée, il faut financer des études ou des consultations permettant
de déterminer le niveau de taxe ou la quantité de permis ou encore le niveau de
la norme.
Dans le cas d'une
taxe il faut mettre en place une institution permettant de récolter la taxe.
Dans le cas des permis négociables il faut créer un marché. Ce n'est pas
forcément une tâche aisée, en général les marchés qui fonctionnent bien, qui se
rapprochent d'une situation de concurrence ne sont pas spontanés, mais
nécessitent une organisation, type bourse, associée à un coût non négligeable.
Ainsi certains auteurs estiment que la mise en place du système de permis
négociables aux États-Unis a été finalement relativement coûteux, en tout cas
bien plus qu'une taxe. Au niveau de son fonctionnement, les premières années
ont été marquées par des prix trop élevés ne reflétant pas du tout les coûts de
dépollution mais ces prix ont convergé durant les années suivantes vers des
valeurs correspondant effectivement aux coûts réels, et ce marché a été au
final plutôt efficace.
Pour une norme
uniforme il n'y a pas de coût particulier, mais on a vu que dans ce cas le coût
de dépollution n'est pas minimum. Pour mettre en place une norme différenciée
il faut une information très importante, en effet il faut connaître les coûts
de tous les agents.
5.3.5.3 Les coûts de
contrôle
Dans tous les cas il
faut contrôler et sanctionner les agents qui ne respectent pas les contrats et
obligations. Pour les taxes, par exemple, le niveau d'émission doit être
déclaré par l'entreprise qui peut être occasionnellement contrôlée. Pour les
interdictions il faut également des contrôles. À priori la sanction la plus
efficace est l'amende étant donné qu'elle est relativement neutre au niveau
collectif, contrairement à la prison, coûteuse pour la société comme pour
l'emprisonné. Ce ne sont cependant pas forcément les réglementeurs qui sont responsables des sanctions, en effet c'est
souvent l'appareil judiciaire qui est chargé de sanctionner les fraudeurs, le
niveau des sanctions peut ne pas être celui qu'ils auraient choisi.
Comme les contrôles
sont coûteux tandis que l'amende est neutre le système le plus efficace devrait
être des contrôles peu fréquents associés à des amendes très lourdes, restant
cependant dans la limite des capacités de paiement des agents. Cependant des
amendes trop lourdes ont pour effet que tous les agents qui fraudent
choisissent le niveau de fraude maximal, et en pratique les amendes sont
progressives. Un mécanisme permettant d'inciter les firmes à déclarer des
valeurs exactes est de moduler l'amende en fonction de l'inexactitude de la
déclaration. Cette technique commence à être utilisée par les agences de l'eau.
Toutes ces
difficultés modifient les conditions d'application des différents instruments,
en particulier la norme uniforme peut être plus aisée à contrôler, ce qui peut
compenser son inefficacité en terme de minimisation des coûts.
5.4 Effet
redistributifs
Avec une norme, une
firme qui polluait et doit dépolluer est perdante puisqu'elle doit subir des
coûts de dépollution mais elle ne doit pas payer en plus. Dans le cas d'une
taxe pigouvienne le pollueur limite ses émissions, mais, en plus, paye pour les
unités de pollution qu'il émet jusqu'à la pollution optimale. Nous sommes en
présence d'une situation pollueur payeur. Le cas inverse est dénommé pollué
payeur.
Les effets
redistributifs peuvent en général être dissociés du choix de l'instrument.
Ainsi pour les instruments en prix le choix d'une taxe qui devient une
subvention à un certain niveau de pollution permet d'atteindre toute
allocation. Dans le cas de la négociation l'allocation initiale va déterminer
l'agent en position de force. Ainsi si il est permis de polluer ce sera la
victime de la pollution qui devra compenser le pollueur, tandis que si la
pollution est interdite c'est le pollueur qui devra compenser les victimes de
la pollution. Pour une norme des paiements forfaitaires permettent transférer
du revenu à n'importe quel agent étant donné que la quantité d'externalité est
de toute façon fixée.
Dans le cas des
permis le mode de distribution initiale détermine l'effet redistributif. Si les
permis sont distribués gratuitement il n'y a pas de transferts additionnels, s’ils
sont vendus par enchère alors les pollueurs doivent payer. Si des droits
correspondant à la pollution initialement émise sont distribués gratuitement
aux pollueurs, le réglementeur doit acheter des permis sans les utiliser,
jusqu'au niveau global d'émission souhaité. Dans ce cas c'est le principe
pollué payeur qui est appliqué.
Ces considérations
sont très importantes dans le choix d'un instrument ainsi que dans sa
légitimation. L'absence de paiements associés aux normes explique certainement
pourquoi elles sont beaucoup plus répandues que les taxes.
5.5 Efficacité
dynamique
Lorsque l'on prend en
compte certains aspects dynamiques, comme les possibilités d'entrée dans un
marché de nouveaux pollueurs ou l'incitation à utiliser les innovations
techniques pour polluer à encore moindre coût les choix d'instruments peuvent
encore être modifiés.
5.5.1
Innovations techniques
Pour ce qui concerne
l'utilisation des innovations techniques c'est la norme qui est défavorisée, en
effet l'agent ne gagne rien à dépolluer plus que la norme. L'agent a intérêt à
utiliser des technologies plus efficaces pour atteindre la norme, mais pas pour
aller plus loin. Avec une taxe ou un marché de permis un agent qui dépollue plus
gagne le montant de la taxe ou le prix des permis pour chaque unité dépolluée
additionnelle, il est incité à diminuer encore plus son coût marginal. Dans ce
cas il faut éventuellement ajuster les instruments.
5.5.2
Nouveaux entrants
Si les pollueurs sont
dédommagés pour moins polluer, autrement dit, lorsque l'on est dans un système
pollué payeur, l'existence de cette rente va pousser de nouvelles firmes à
entrer dans la branche. Il est donc plus efficace de choisir un instrument qui
respecte le principe pollueur payeur. Ce principe est d'ailleurs inscrit dans
les textes Européens, même s'il n'est pas forcément respecté.
5.6 Capture de la
réglementation
Les décisions en
matière de politique environnementale sont prises au nom du bien collectif,
dans un cadre d'incertitude important et peuvent avoir une incidence
redistributive conséquente. Dans ce cadre il est tout à fait possible de
justifier des choix par la recherche d'une amélioration de l'environnement et
qu'il s'agisse en fait de favoriser les intérêts de certains agents. Dans cette
optique l'État n'est pas considéré comme une entité bienveillante mais comme un
rassemblement d'individus qui peuvent avoir des intérêts particuliers. C'est le
fondement de la théorie de la capture de la réglementation.
Certaines décisions
entrent dans ce cadre, comme par exemple l'interdiction qui a frappé le
concorde pour cause de bruit, qui était plutôt une tentative de se protéger de
la concurrence. Dans le même ordre d'idée après la crise de la vache folle la
viande anglaise a été interdite en France pour des raisons qui étaient en
partie protectionnistes. De fait les théoriciens de la capture de la
réglementation préconisent d'enlever à l'État tout pouvoir de réglementer. Ce
n'est pas une meilleure solution, l'absence d'intervention de l'État profitant
également à certains agents.
5.7 La place de
l'économie dans la décision
Les méthodes
d'évaluation et de choix, ainsi que l'utilisation d'instruments minimisant les
coûts que l'on vient de voir sont parfois présentés comme l'unique mode
rationnel de régulation. Cette position n'est pas celle qui est défendue ici,
étant donné les incertitudes et conflits sous-tendant les problèmes
environnementaux. Il est possible pour certains agents, y compris l'État,
d'utiliser une position dominante en expertise économique pour faire passer des
régulations qui ont des objectifs redistributifs ou ne permettent pas
d'améliorer réellement la situation.
Par contre ce cadre
peut permettre de poser des questions précises sur l'efficacité, les
conséquences redistributives et servir de langage commun pour les négociations
qui seront de toute façon réglées à un niveau politique. En particulier il
semble important de poser ces questions pour éviter les décisions arbitraires
guidées par une pure idéologie qui risquent encore plus d'être biaisées en
faveur d'un groupe d'agents.
Chapitre Septième
Les problèmes
environnementaux globaux sont caractérisés par une dimension mondiale, une
incertitude radicale sur leur évolution et conséquences et enfin par
l'importance du long terme. Une liste non exhaustive de tels sujets de
préoccupation contient entre autres le changement climatique, la destruction de
la couche d'ozone, les pluies acides, la diminution de la biodiversité, le
risque nucléaire, la désertification, la diminution des ressources halieutiques.
C'est surtout le changement climatique qui sera utilisé comme exemple.
Les trois aspects
incertitude, globalité et long terme ne sont pas indépendants et interagissent
constamment, par exemple l'incertitude provient pour partie du long terme.
6.1 Coordination
internationale
Dans le cas des
problèmes globaux il n'existe pas d'autorité comparable à l'État à même de
pouvoir imposer une forme d'intérêt général. Les différents pays ont en général
des intérêts divergents, évoluant dans le temps. Dans ce cadre l'hétérogénéité
des pays peut être un facteur d'entente ou au contraire de tension, en fonction
des modalités de négociation et de la nature de l'incertitude. Par exemple il
peut être plus facile de négocier des réductions d'émissions de gaz à effet de
serre si on ne sait pas qui sera victime du changement climatique.
6.1.1
Les négociations sur le changement climatique
L'historique des
négociations autour du changement climatique permet d'éclairer ces difficultés.
Les négociations internationales ont vraiment commencé un peu avant 1990, entre
autres sous l'impulsion des États-Unis, peut-être pour avoir une raison
d'inciter les américains à une utilisation plus efficace de l'énergie, le
maintien de l'approvisionnement en pétrole à bas prix étant soumis aux aléas
des conflits géopolitiques. La convention de Rio qui acte la nécessité d'une
action internationale, mais en des termes assez vagues, est signée par de
nombreux pays en 1992. Le protocole de Kyoto qui prévoit des limitations
d'émissions, mais uniquement pour les pays développés est négocié en 1997, sur
des bases strictement politiques. Il est prévu d'adjoindre un marché de permis
d'émission de CO2 pour atteindre l'efficacité économique, et il est également
considéré que ce n'est qu'un premier pas.
Il ne sera cependant
jamais ratifié par les États-Unis qui sont pourtant les premiers émetteurs de
CO2 par tête. En particulier parce qu'après la première guerre du Golfe les
États-Unis ont un meilleur contrôle de la situation au Proche-Orient et la
motivation géopolitique a totalement disparue. Également parce que les
États-Unis ont un quota d'émission assez élevé si on prend en compte
l'augmentation de leur population. Ensuite parce que les européens ont affiché
un volontarisme environnemental et n'ont pas voulu faire de concession à
Après cet épisode un
accord a été obtenu, à Marrakech entre les autres pays développés, mais avec
des concessions plus importantes que ce que les États-Unis étaient prêts à
accepter à
6.1.2
Compétitivité et environnement
Un autre argument
avancé par les États-Unis est qu'il faut également que les pays en voie de
développement aient des restrictions sur leur émissions, d'une part parce qu'il
allaient être d'importants émetteurs, et d'autre part parce qu'il y avait des
risque de délocalisation des entreprises émettrices de CO2 à l'étranger, où
elles n'auraient pas de contraintes.
Cette situation est
théoriquement possible, cependant dans le cas du CO2 les émissions sont surtout
produites par des activitées qui ne peuvent être délocalisées (production
d'électricité, transport, chauffage, production de ciment) et pour les autres
industries les choix de délocalisation sont beaucoup plus liés au coût et à la
qualification du travail et aux incitations fiscales.
Par contre
l'augmentation du prix de l'énergie consécutive à des efforts de réduction des
émissions peut tout à fait réduire les marges des entreprises domestiques, et
bien que cela ne risque pas de les pousser à délocaliser peut éventuellement
réduire leur activité. Ce type de surcoût est cependant tout à fait minime par
rapport aux variations des changes, par exemple en 2 ans le prix relatif des
marchandises en dollar vis-à-vis de celles en euro a varié de 30% environ.
6.2 Long terme et
développement durable
6.2.1
Définition du développement durable
Le développement
durable est "un développement qui répond aux besoins du présent sans
compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs".
Cette définition de 1987 est assez floue et de fait il y en avait déjà plus de
60 définitions dès 1989. Ainsi pour certains il s'agit de s'assurer d'une croissance
économique soutenue. Pour d'autre il s'agit de garantir la préservation des
actifs naturels en effectuant une décroissance économique.
Il se dégage
cependant un certain nombre de points communs qui n'aident pas spécialement à
donner un contenu opérationnel au concept mais en précisent le champ d'action.
Le développement durable est ainsi associé :
- à une utilisation raisonnable des ressources
naturelles,
- à une prise en compte du futur et des
irréversibilités,
- à l'utilisation de technologies plus efficaces
dans les pays en voie de développement sans passer par une phase de
moindre efficacité comme dans les pays développés,
- à la diminution de la pauvreté,
- au développement économique mais également
social ne mettant pas en danger l'environnement.
Tous ces points sont
en effet des objectifs pertinents pour toute régulation, et sont communes à
toutes les interprétations du développement durables. L'importance des
différents objectifs les uns par rapport aux autres, ainsi que les moyens à
mettre en œuvre pour les atteindre sont en revanche extrêmement divers.
6.2.2
Actualisation et équité intergénérationnelle
Un aspect peut être
éclairé par l'utilisation de concepts économiques, il s'agit de la prise en
compte du futur. La modélisation d'un objectif intertemporel peut se faire en
utilisant une maximisation de la somme de l'utilité par tête des agents
présents et futurs. Dans ce cas chaque date peut être pondérée en utilisant un
taux d'actualisation. Si il est fixe, alors les décisions seront cohérentes
temporellement, c'est à dire que le passage du temps ne les modifiera. Ceci
correspond à une décroissance exponentielle des poids avec le temps.
Si on se base sur les
taux d'épargne actuels pour jauger de la valeur de ce taux d'actualisation on
obtient des valeurs entre 2% et 6%, ce qui donne peu d'importance à ce qui se
passe dans 100 ans. Pour certains auteurs il faudrait utiliser un taux nul,
autrement dit une simple somme, pour des raisons essentiellement éthiques. Ce
taux d'actualisation peut être important pour certaines décisions, et dans ce
cas il permet de synthétiser et de révéler les positions éthiques des
différents acteurs de la décision.
Mettre un taux
d'actualisation très bas implique d'aller plus loin dans la préservation des
ressources naturelles qu'une utilisation rationnelle, cohérente avec les taux
de rentabilité observés. On a vu que l'utilisation rationnelle n'était pas
acquise au début de ce cours, mais ici il s'agirait d'aller au-delà et de
contraindre les agents à une moindre utilisation.
Dans le cas du
changement climatique, étant donné les inerties naturelles du cycle du carbone,
du système climatique, des écosystèmes mais également celles des systèmes
énergétiques, les décisions prises aujourd'hui auront des conséquences qui peuvent
être très éloignées dans le futur, les positions éthiques sur la solidarité
intergénérationnelle peuvent avoir des conséquences importantes.
Cependant, dans
certains, cas ce sont des contraintes d'inertie qui sont déterminantes pour la
décision. Par exemple, si au-delà d'un certain changement climatique les
conséquences deviennent importantes parce que l'on n'a pas le temps de
s'adapter, alors le choix sera plus dicté par l'inertie du système que par la
maximisation intertemporelle, et le choix du taux d'actualisation sera moins
important.
6.2.3
Substitution du capital naturel et artificiel
La question de la
complémentarité ou substituabilité entre capital naturel et artificiel est
importante dans le cadre du développement durable, et donne lieu à deux
visions, dites de soutenabilité faible et forte. Pour les tenants de la
soutenabilité faible tous les types de capitaux sont substituables et tout ce
qu'il importe est de conserver un stock global de capital suffisant. Pour les
tenants de la soutenabilité forte les capitaux naturels ne peuvent être
remplacé ni par du capital productif ni par du capital humain (un niveau
d'éducation plus élevé qui induit une productivité du travail plus importante).
Historiquement les
positions de type soutenabilité forte ont toujours prédit des futurs assez
catastrophiques avec un progrès technique et des substitutions bien moins
importantes que ce qui s'est passé réellement. Pour autant il est possible que
l'on regrette déjà la disparition totale de nature primaire en Europe.
6.2.4
Évolution des modes de production et de consommation
Les projections de
population sont forcément incertaines, mais il est très probable que la
population atteigne plus de 10 milliards d'habitants au cours du 21ème
siècle. Or, aujourd'hui 80% de la production est utilisée par 20% de la
population. Si tous les humains doivent avoir le même niveau de vie, il risque
d'y avoir des difficultés au niveau de l'épuisement des ressources naturelles,
ainsi qu'au niveau du rejet de déchets. En particulier les questions de la
disponibilité de l'énergie, de l'eau et de la terre vont se poser avec de plus
en plus d'acuité.
Il s'agit donc de
penser le développement futur des pays encore en voie de développement en lien
avec l'environnement. Deux courants s'opposent dans ce cadre. D'un côté on
trouve ceux qui considèrent qu'avec l'augmentation de la production, des
techniques plus efficaces vont être utilisées, les individus vont se soucier
d'environnement et qu'il faut avant tout se développer pour que la phase
d'inefficacité dans l'utilisation des ressources soit la plus courte possible.
Ce point de vue est largement partagé par les dirigeants des pays en voie de
développement. De l'autre côté se trouvent ceux qui considèrent qu'il y a en
une fenêtre d'opportunité pour un développement différent de celui des pays
déjà développés étant donné que la plupart des infrastructures et institutions
ne sont pas encore en place. Ceci pourra éviter des sacrifices futurs,
sacrifices que devraient faire les pays actuellement développés pour une
moindre utilisation des ressources naturelles.
Aucun de ces deux
futurs n'est à exclure. En prenant l'exemple de l'énergie, il faut mettre au
crédit des développementalistes l'augmentation de l'efficacité énergétique, qui
ne serait possible que lorsque l'on a un certain niveau technique, qui a eu
lieu après le premier choc pétrolier, la baisse des émissions de soufre, ou
encore la surproduction agricole mondiale. En revanche l'exemple des États-Unis
qui montre un niveau de vie très important mais également une efficacité dans
l'utilisation de l'énergie assez faible, ou encore l'importance du pétrole ou
du gaz pour les sources mobiles dénergie et les tensions qui sont déjà
présentes autour du pétrole et de l'utilisation des ressources des pays en voie
de développement par les pays développés, et enfin la question du changement
climatique vont dans l'autre sens.
6.2.5
Inertie et lock-in (verrouillage) du changement technique
Le changement
technique est important dans le cadre du développement durable. En effet, si il
est suffisamment important et rapide, les contraintes environnementales seront
moins problématiques. La question de l'énergie, est un bon exemple, en effet si
une source d'énergie bon marché et peu polluante existait, de nombreux
problèmes environnementaux seraient résolus. Dans le cas contraire la rareté
des combustibles fossiles aisément utilisables, les risques climatiques et
nucléaires vont être des sujets préoccupants.
Pour certains auteurs
le progrès technique a peu besoin d'être orienté, les agents vont profiter des
avances techniques pour augmenter leur rentabilité, les techniques utilisées
seront donc forcément plus économes en énergie, et ce d'autant plus que
l'énergie devient chère. Cette vision du monde est contredite en partie par
l'observation d'inefficacités technologiques persistantes. Cependant d'autres
difficultés se superposent, d'une part l'inertie des systèmes techniques et des
modes de vie qui imposent de voir à long terme et les possibilités de verrouillage
dans une certaine technologie.
6.2.5.1 Inertie des
technologies et des modes de vie
Des solutions
techniques peuvent exister, comme la biomasse ou l'hydrogène, l'utilisation
plus rationnelle des transports, les pompes à chaleur, mais elles impliquent
des changements de comportement et des bouleversements des systèmes
énergétiques. Par exemple l'utilisation de la biomasse pour se substituer au
pétrole ne peut pas se faire dans le cadre de l'agriculture intensive qui est
beaucoup trop basée sur le pétrole. D'autre part les terres ne seraient
disponibles qu'en cas de changement des habitudes alimentaires avec une consommation
plus importante de céréales au détriment de la viande et de certains légumes.
D'autres opportunités et difficultés se posent pour des futurs alternatifs, que
ce soit une prédominance de l'électricité nucléaire ou une utilisation
prolongée des énergies fossiles.
Pour dépasser ces
difficultés au niveau de l'offre il faudrait des avancées techniques
importantes peu spontanées, de long terme, qui dépendent plutôt des moyens
alloués à la recherche et des incitations des autorités régulatrices, telles
l'obligation d'avoir un quota de l'électricité renouvelable. Du côté de la
demande il faudrait des évolutions des modes de vie qui demande également du
temps.
6.2.5.2 Le
verrouillage dans une technologie
Pour plusieurs
raisons les choix technologiques faits risquent d'être auto-renforçant, c'est à
dire que lorsque l'on est engagé dans une voie elle devient plus facile. Les
causes sont multiples et on peut citer les inertie socio-économique, en
particulier au niveau des comportements et des systèmes de valeurs, l'existence
d'équilibres institutionnels existant autour d'une technologie, comme le
nucléaire en France ou le charbon en Allemagne, l'importance des montants à
consacrer à la recherche, l'apprentissage par la pratique, la diminution des
coûts avec l'augmentation des capacités ou de la taille des infrastructures,
l'impossibilité de reconvertir les investissements.
De tels verrouillages
technologiques, également appelés lock-ins
ont eu lieu par le passé, autour du train et du charbon au XIX siècle, dans les
années 60 autour de la voiture, de la route et du pétrole et dans les années
70, autour du nucléaire et de l'électricité en France. Il est donc important de
réfléchir effectivement au futur recherché si on veut vraiment l'infléchir, et
ce quelque soit la position que l'on a sur l'efficacité du progrès technique.
Dans tous les cas une
action volontaire peut avoir de l'influence, à la fois sur les entreprises et
les individus, comme le montre l'influence de la publicité ou celle des mesures
incitatives. Mais toute action, quel que soit son sens devra également
s'opposer aux volontés d'un grand nombre d'agents. Et certains agents sont prêts
à trouver certaines causes importantes mais n'acceptent pas d'être incité à
être en accord avec leurs déclarations.
6.3 Incertitude et
décision
Très souvent, on
parle de l’incertitude lorsqu’il y a manque de confiance vis-à-vis de l'avenir,
c’est-à-dire s’il y a possibilité d’un doute. Dans le contexte de ce chapitre,
il s’agit d’une impossibilité d'avoir une connaissance suffisante ou assurée
d'une situation, en particulier environnemental, à venir. C’est donc de la pure
incertitude du lendemain.
De nombreuses
incertitudes entourent les questions environnementales de l’heure. Ces
incertitudes jouent à plusieurs niveaux et sont de plusieurs types.
6.3.1
Les différentes incertitudes
De l'incertitude la
plus aisée à dépasser à celle qui posera toujours problème, il y a lieu de
distinguer :
a.
L'incertitude
paramétrique, provenant de l'existence de données
entachées d'erreurs d'observation et de l'influence de processus extérieurs
au système modélisé. Par exemple l'évolution de l'activité solaire perturbe les
mesures du flux radiatif entrant dans l'atmosphère.
b.
L'incertitude
liée aux choix de modélisation. Plusieurs
modèles ayant la même vraisemblance peuvent donner des résultats très
différents lorsqu'ils doivent prédire dans des conditions qui s'éloignent des
conditions observées. Ce type d'incertitude est inévitable lorsqu'il n'est
pas possible de faire des expériences en contrôlant les conditions aux limites
des systèmes qui permettraient d'invalider certains de ces modèles. Pour la
climatologie, l'économie, l'étude des biomes ou la paléontologie, il n'est pas
possible de faire d'expériences, en général.
c.
L'incertitude
liée aux phénomènes chaotiques. Certains phénomènes
sont de nature chaotique et dépendent de façon importante des conditions
initiales, une méconnaissance infinitésimale donnant rapidement lieu à des
résultats très différents. C'est le cas des systèmes climatiques.
d.
L'imprévisibilité.
Certains phénomènes ne peuvent pas être modélisés, en particulier au niveau des
évolutions socio-économiques. En effet les choix des individus, les résultats
des négociations, des guerres, des modes et autres phénomènes collectifs ne
pourront jamais être totalement prédits, en raison de la complexité des
phénomènes, mais aussi parce que les prévisions influencent les choix futurs.
e.
Les
choix éthiques. Lorsque le modèle n'est pas
uniquement un modèle prédictif mais est également normatif, qu'il doit donner
pour résultat ce qui devrait être fait et non pas ce qui sera fait, alors les
hypothèses portant sur l'objectif normatif influencent le résultat du modèle.
Par exemple il faut choisir le taux d'actualisation, le type d'objectif, les
poids donnés aux différents objectifs, et aux différents agents, les critères
d'efficacité et d'équité.
Dans le cas du
changement climatique l'IPCC (GIEC) donne une fourchette de 2 à 6 degrés
d'augmentation de la température en 2100 en fonction du modèle utilisé et des
projections d'émissions futures. Cette incertitude est de plus bornée par les
choix faits par l'IPCC en terme de scénarios socio-économiques, et rien
n'assure que les modèles climatiques prennent en compte tous les processus
importants ni qu'ils soient encore valides pour des concentrations de CO2
élevées. La mesure des dommages liés au niveau du changement climatique et à sa
vitesse est encore plus incertaine, en raison des difficultés de valorisation
déjà évoquées, de biais d'agrégation, de l'insuffisance des modèles économiques
concernant la modélisation des crises et du changement techniques et des
incertitudes qui pèsent sur les capacités d'adaptation des sociétés et des
écosystèmes.
De fait de nombreuses
questions restent sans réponse formelle et des théories donnant des résultats
très différents s'affrontent portées par les différents agents en particulier
en fonction de leurs intérêts, toutes étant plausibles ou éthiquement
acceptables.
6.3.2
Décision sous incertitude et principe de précaution
Face à ces
incertitudes il est possible d'attendre que la connaissance progresse avant
d'agir, ou encore d'essayer de trouver un futur plus probable et d'agir en
fonction de ce futur. Ces deux attitudes sont dangereuses, d'autant plus que
des possibilités de catastrophes sont possible, mais avec des probabilités
faibles, ou que des conséquences irréversibles ont lieu. Le principe de
précaution stipule justement qu'il faut prendre en compte ces incertitudes et
les inclure dans la décision.
Ainsi par exemple d'après
Il est également
admis que l'application du principe de précaution ne doit pas non plus fermer
le futur et que les solutions choisies doivent permettre de changer d'avis
lorsque l'incertitude diminue.
Le principe de
précaution correspond à ce que l'on appelle la décision sous incertitude en
économie. Prendre en compte l'incertitude et son évolution au fur et à mesure
que l'on apprend peut sembler assez naturel, et pourtant pendant de nombreuses
années il fallait une certitude pour que soit prise une décision en terme de
nocivité d'un produit.
6.3.3
La décision sous incertitude en économie
6.3.3.1 Les critères
de décision dans l'incertain
Il s'agit de trouver
une façon de prendre en compte dans la décision les éventualités moins
probables. Une première solution serait d'essayer d'éviter à tout prix une
conséquence défavorable dès qu'elle est possible, même si elle est peu probable.
Par exemple certaines personnes considèrent que toute modification du climat
est trop dangereuse et qu'il faut arrêter immédiatement les émissions de CO2.
D'autres pensent, à l'inverse, que toute interférence avec le développement est
risquée en raison de l'importance de la pauvreté.
Le problème de ce
type de critère c'est que l'on donne une grande importance à une borne qui peut
être arbitraire. On peut en effet souvent repousser le risque nul en prenant
des probabilités plus faibles. Si les probabilités correspondent à des avis de
différents agents, cela revient à considérer uniquement à ceux qui trouvent la
pire des situations.
Un autre critère fréquemment
utilisé est celui de l'espérance d'utilité. Dans ce cas, on cherche à
maximiser la somme pondérée par les probabilités des différents résultats
possibles en prenant leur utilité. Cette utilité représente les préférences des
agents vis-à-vis du risque si elles obéissent à certains axiomes (des propositions
évidentes, généralement premières et non démontrables, dont on tire des
conséquences logiques).
Lorsqu'il n'est pas
possible d'assigner des probabilités objectives, c'est à dire des probabilités
issues de réalisations aléatoires répétées, il est toujours possible d'utiliser
l'espérance d'utilité, mais les poids ne sont plus vraiment des probabilités,
ils correspondent aux préférences ou aux croyances des agents. Par exemple dans
le cas du changement climatique on donne parfois des probabilités pour des
paramètres inconnus alors qu'ils ne résultent pas de réalisations aléatoires.
6.3.3.2 Apprentissage
et valeur d'option
Dans le cas des
problèmes environnementaux globaux, il faut prendre en compte le fait que la
connaissance va progresser lorsque l'on choisit. Il faut prendre des décisions
qui permettront d'utiliser cette information future. Par exemple si un
barrage détruit de façon irréversible une forêt, il faut prendre en compte le
fait qu'on pourra découvrir dans le futur des usages pour cette forêt, mais
qu'alors cette information ne servira plus à rien si on fait un barrage. C'est
la base de la théorie de la valeur d'option (TVO).
Dans le cadre du
changement climatique, l'effet de l'apprentissage n'est pas évident. En effet,
si on apprend que le changement climatique et les dommages sont importants, si
on a trop émis on peut moins profiter de cette information. A l'inverse, si on
apprend que l'on arrive à s'adapter sans problème on ne pourra pas émettre plus
si on a beaucoup réduit les émissions et que l'on ne dispose plus de capital
pour augmenter la production et les émissions.
6.3.4 Modélisation et aide à la
décision
Au final, on est en
présence de problèmes complexes, avec de nombreuses incertitudes, en
particulier sur le long terme et d'inévitables choix éthiques. Dans ce cadre,
chercher à modéliser parfaitement tous les phénomènes peut être un objectif
inatteignable et sa recherche un obstacle à une décision informée. Dans ce
cadre, en fonction de la question posée, il peut être intéressant de simplifier
le problème, en perdant en précision mais en gagnant en pertinence. Le modèle
permet alors de donner des informations pour un argumentaire même si la prédiction
n'est plus l'objectif principal. Pour autant, il faut toujours essayer de
coller à la réalité le plus possible afin que l'argumentaire soit le plus
pertinent possible.
La modélisation dans
ce cas n'est plus une représentation fidèle de la réalité, ni un guide absolu
pour la décision mais permet de formaliser l'objet de discussion, de mettre en
relation principes éthiques, hypothèses, croyances et résultats.
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 13 autres membres